Sans doute,
le dialogue est le moyen le plus sûr pour désamorcer la bombe de la crise avec
peu de dégâts possibles, de déconstruire les préjugés sans être plombant,
d'avancer sans causer davantage de blessures à la belle Algérie. Or, l'optique
pédante, condescendante et méchante des décideurs laisse les masses sceptiques
quant à leurs intentions réelles. Comment dialoguer pardi, quand la logique
autoritaire de gestion continue de ponctuer une actualité nationale en
perpétuel chamboulement ? Comment dialoguer lorsqu'on se rend compte que les
cinq mois de manifestations se solderaient peut-être par la reconduction de Bensalah dont la tête est pourtant réclamée depuis le début
du mouvement citoyen par la rue ? Comment dialoguer quand des citoyens, qui
portent de simples emblèmes pour revendiquer les origines de la mère patrie et
manifester leur soif de liberté ainsi que du pluralisme dans un pays, longtemps
frappé d'uniformisme, sont incarcérés ? Comment
dialoguer quand un vétéran de la guerre de libération fête le jour de
l'Indépendance nationale enfermé entre les murs de sa cellule, après avoir été
injustement accusé par la télévision officielle d'usurpation d'identité et de
non-participation à la guerre de libération pour laquelle il a sacrifié toute
sa jeunesse ? Comment expliquer qu'on n'a pas encore saisi le sens de tous les
slogans hostiles, lancés à haut décibel, aux apparatchiks du régime ? Le moins
que l'on puisse dire à présent, c'est que l'avenir se dessine sous des traits
incertains, bien que les signes de l'espoir du départ se lisent encore, chaque
vendredi, sur les visages rayonnants de ces jeunes manifestants qui battent
inlassablement le pavé, pour faire bouger et changer les choses, pour avancer,
pour transformer ce corps malade de la nation en locomotive moderne, dynamique
et respirant de l'oxygène pur.
Les
Algériens qui crient leur désarroi devraient être entendus. S'ils jettent
l'opprobre sur ceux qui ont pissé sur leurs rêves, ces arnaqueurs de la pire
espèce qui leur ont fourgué un faux nationalisme de bas étage alors qu'ils sont
les premiers à bafouer les idéaux révolutionnaires et à vendre la patrie à bas
prix, c'est qu'ils veulent tourner la page de toutes les lâchetés et de toutes
les traîtrises. Ils veulent un changement concret. En ce sens, ils n'attendent
pas un quelconque deus ex machina ou homme providentiel pour les faire sortir
de la crise, mais croient à la force de leur union et surtout à la démocratie,
les seuls moyens pour parvenir au changement tant espéré, sans se fourvoyer ni
perdre leur patience. Et si le fleuve sera-t-il encore une fois détourné de son
cours par les fossoyeurs de rêves, comme le prédisent déjà certains fatalistes
? Espérons que non ! Comme cela au moins, mon compatriote le regretté Rachid Mimouni sourira à l'étoile de l'espoir dans sa tombe.