On raconte
qu'un jour l'auteur dramatique américain Charles Mac Arthur, à peine débarqué
sur la ville de Hollywood pour tenter sa chance comme scénariste, se plaignait
déjà à Charlie Chaplin des mille et une difficultés qui l'empêchaient d'écrire
des gags visuels qui puissent toucher un plus large public. «-Comment faire
encore rire les gens, dit-il alors à brûle-pourpoint à son ami, en montrant,
par exemple, une grosse dame qui descend une grande avenue et glisse sur une
peau de banane ? Cela, crois-moi mon ami, a été fait un million de fois
auparavant et ça risque d'ennuyer. Que dois-je faire voir, en premier lieu, à
ton avis, la peau de banane ou la grosse dame?» «- Ni l'une ni l'autre !»,
répondit sèchement Chaplin. C'est ensemble qu'il faut les montrer. Pour attirer
de potentiels spectateurs, le scénario devrait être tout simple : la dame lève
le pied, enjambe la peau de banane et disparaît, d'un seul coup, après avoir
glissé d'un mètre environ, dans un trou d'égout!», «un
trou d'égout dis-tu?» «Oui, car ça rend le scénario très alléchant pour les
esprits naïfs!» Cette anecdote vaut son pesant d'or au
regard de ce qui se passe aujourd'hui en Algérie!
Entre des personnalités qui, dans un passé très proche faisaient la loi envers
et contre tous, tombées subitement dans le trou d'égout sans que l'on aperçoive
ni la peau de banane, ni la chaussée glissante, et les rumeurs qui infestent
l'atmosphère politique de peurs et de paranoïas d'autres «arrestations-purges
surprises», cela accroche mal le cœur des Algériens à la combine. On dirait que
l'angle visé par la caméra des «décideurs-scénaristes» semble, au sens propre
comme au sens figuré, figé. Au départ, ces derniers
nous ont dit que le pays se portait comme un charme et s'apprêtait même, tout
joyeux, à applaudir un cinquième mandat en bonne et due forme d'un président
grabataire qu'on ne voyait presque jamais et qui, de surcroît, se déplaçait sur
un fauteuil roulant, rien que pour accomplir le grandiose travail de réformes.
Plus tard,
on découvre que tout cela n'est qu'une grossière machination pour rester coûte
que coûte au pouvoir, soutenue, en grande partie, par ceux qui promettent
aujourd'hui, d'accompagner la jeunesse en révolte dans son élan légitime vers
la démocratie. Cerise sur le gâteau, les millions de manifestants enragés ayant
écumé les rues pour dénoncer «un complot contre la démocratie et contre
l'Algérie», voient leur cri transformé maintenant en «complot contre l'Etat et
l'autorité de l'Etat», comprendre par là, «un coup
d'Etat déguisé» contre le clan qui est sorti vainqueur de la grande curée.
Tellement fade, le scénario servi aux Algériens pour leur faire passer la
pilule manque de tact. Qui plus est, risque même de faire d'eux les victimes de
la farce de la peau de banane, au lieu d'en être les spectateurs !