Une simple
averse de fin d'été et le pays se noie sous des trombes d'eau. Les rues se
muent en piscines semi-olympiques et les ronds-points en de magnifiques
fontaines urbaines. La faute à pas de chance comme dit l'autre, l'irresponsable
chronique, l'incapable véreux qui regarde le ciel en priant que la sécheresse
tarisse les nuages et que la pluie devienne aussi rare que le CV d'un honnête
gestionnaire dans une administration publique. Par la force des choses et le
poids des passe-droits et des tours de passe-passe, l'hiver est à la gestion du
pays ce qu'est l'inspecteur Columbo à une enquête
policière : un baromètre de la compétence. La faute à des responsables locaux
dans l'incapacité d'une simple réflexion en amont. Il est connu de tous, même
d'un ministre de la République, qu'en été, il est conseillé, que dis-je, il est
expressément demandé de s'occuper de ces avaloirs, de les nettoyer, de les
déboucher pour que les eaux de pluies puissent s'y écouler et éviter de former
des lacs artificiels. C'est une responsabilité locale dont il s'agit dans ce
cas de figure, car il serait malséant de demander à El Mouradia
de s'occuper des avaloirs et autres bouches d'égouts, et les Algériens de
découvrir, de confirmer plutôt, tout le bien qu'ils pensent de leurs assemblées
communales. Comme la fable de «La cigale et la fourmi» de La Fontaine, plagiée
sur Esope, certains maires algériens ayant fait des affaires tout l'été, se
trouvèrent fort dépourvus quand la pluie fut venue. Pas un seul petit
rond-point à sec ni de routes praticables. Ils allèrent crier inondations chez
le wali, leur maître d'en haut, le priant de leur prêter quelques engins
jusqu'à la saison nouvelle. Je voterai pour vous, lui dirent-il, avant l'août,
foi d'édile. Le wali n'étant pas, par définition, éligible par la base et
n'ayant cure de leurs promesses mouillées, répondit : que faisiez-vous au temps
chaud ? Mais contrairement à la fable de La Fontaine, alias Esope, le wali ne
les envoya pas balader ni les tapa sur leurs doigts boudinés, mais dépêcha des
équipes de nettoyage pour récurer les avaloirs obstrués par l'incivisme des
citoyens et la démission des élus. Cinquième mandat oblige, des instructions
venant d'en haut, par-dessus les nuages, les instruisant de ne pas faire de
vagues, de privilégier la paix sociale même au détriment de la bonne
gouvernance. L'hiver arriva, le pays se noya définitivement et il n'eut ni été
ni maires à faire leurs petites affaires, et c'est mieux ainsi pour le salut de
tout le monde.