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Devoir des uns, mission des autres

par Mahdi Boukhalfa

L'incident libyen est clos. Les deux parties ont rappelé qu'il ne saurait y avoir autre chose entre les deux pays que la fraternité, l'amitié et le bon voisinage. Même la partie libyenne à l'origine de ce mini-incident diplomatique s'est récusée, réaffirmant que l'Algérie reste un pays frère. Mais, il aura laissé un arrière-goût amer quant au silence étonnant de la classe politique, toutes tendances confondues. Certes, l'Algérie officielle a donné sa réponse. Diplomatique. Mais également militaire avec cette intelligence qui sied aux circonstances. Car il était attendu dans cet intervalle, et durant sa visite de travail dans la 3ème région miliaire, que le chef d'état-major de l'ANP réagisse.

D'une manière ou d'une autre, ne serait-ce que pour éviter que ce genre de déclarations belliqueuses ne se répète. La bienséance diplomatique, le bon voisinage et le respect des pays voisins, en toutes circonstances, ne doivent jamais permettre des écarts de conduite comme ceux dont s'est rendu coupable Haftar. Et le chef d'état-major Ahmed Gaïd Salah n'est pas resté sans délivrer son message : rester toujours vigilants et maintenir une disponibilité en tous moments. Il est évident qu'en sa qualité de militaire, Gaïd Salah ne peut s'immiscer dans les affaires politiques du pays, et à plus forte raison en cas d'incident diplomatique. Mais, lors de sa tournée dans la 3ème région militaire, son message n'avait pas besoin d'être décodé, lorsqu'il a appelé les troupes ?'à maintenir toujours une parfaite disponibilité pour faire face à tous les actuels et futurs défis afin de pouvoir défendre l'Algérie ainsi que sa souveraineté, sa sécurité et sa stabilité''. Ce message de Gaïd Salah, hors contexte actuel, a les allures d'un ordre du jour applicable pour maintenir en permanence une bonne préparation des troupes. Mais, dans le contexte actuel, l'ANP a donné sa réponse à tous ceux tentés de porter atteinte, d'une manière ou d'une autre, à l'Algérie, à sa stabilité, sa souveraineté. Par contre, ce qui est déprimant, c'est ce silence pesant de la classe politique par rapport à un événement qui aurait dû provoquer une réaction à la hauteur de l'événement. Mais là, rien, hormis un parti, comme si l'incident provoqué par Haftar, et pris en charge médiatiquement par des chaînes arabes, ne concernait pas l'Algérie. Ce qui renvoie par ailleurs à considérer que si les partis proches du pouvoir confirment qu'ils n'ont jamais eu une autorité morale et politique pour réagir par rapport à l'actualité nationale ou internationale sans ordres, le manque de réaction des partis d'opposition est troublant. Bien sûr, des partis comme le FLN ou le RND ont toujours été guidés par le pouvoir, et sont une partie du pouvoir, et donc ils ne peuvent adopter une posture par rapport à des événements internationaux concernant le pays sans provoquer une terrible bousculade au plus haut niveau. Sans injonction, leur intervention aurait fait désordre au plus haut niveau de l'Etat. Ce qui, de fait, les élimine du champ politique réel, et que laissent vacant des partis d'opposition qui sont en train de perdre toute crédibilité auprès de l'opinion publique. L'occasion était trop bonne pour qu'elle réagisse. Qu'elle montre qu'elle est présente. Elle ne l'a pas saisie. Et, dans ce cas de figure, l'ANP ne peut s'autosaisir, ni monter au front à chaque fois que devient pesant le silence de ceux qui en ont la responsabilité politique, ceux dont la mission est de constituer un bouclier politico-médiatique contre toutes les menaces dirigées vers le pays.