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Au bonheur de la Constitution

par Mahdi Boukhalfa

C'est dit et affirmé : se porter candidat aux élections communales n'exige pas de niveau d'instruction particulier. C'est l'inspecteur général du ministère de l'Intérieur qui le rappelle, citant la Constitution, la loi fondamentale sur laquelle fonctionnent les institutions du pays. Et cette loi offre le droit à tout citoyen de se porter candidat à une élection locale, quel que soit son niveau d'instruction, et même s'il en a. Plus, on peut être même maire à 23 ans, toujours selon la loi fondamentale. C'est, en quelque sorte, un droit et le gage de la démocratie que tout citoyen peut se porter candidat à une élection communale ou préfectorale. Dès lors, faut-il applaudir ou se mordre les doigts devant une mairie dirigée, par exemple, par un élu qui n'a, de sa vie, fréquenté les bancs d'une école au-delà de ses 13 ans, ou qui n'a pas vu à quoi ressemble une classe de lycée ? Ceci dans les cas où ces élus ont vraiment usé leurs pantalons sur les bancs des écoles, car de plus en plus d'élus sont la cible de moqueries et de commentaires peu flatteurs sur leur manque d'instruction, alors qu'ils ont brigué, lors des élections de novembre 2012, des mairies, et même des postes de députés. La vox populi s'est même gaussée de ces P/APC de villes de l'intérieur du pays parachutés par leurs partis pour diriger des mairies déshéritées, au bord de l'apoplexie financière. Mieux, dans les grandes villes du pays, de grosses cylindrées politiques sont à chaque élection communale accusées de parachuter des candidats qui n'ont qu'une rare relation avec un enseignement général, pour ne pas dire qu'ils n'ont aucune compétence pour gérer une collectivité locale. Car jusqu'à présent, les cas d'élus ayant un excellent niveau d'instruction sont rares, et même très rares. La raison en est ainsi toute simple : les partis politiques peuvent proposer des candidats n'ayant aucune relation par exemple avec la gestion administrative, et placer à un poste vital pour la vie d'une communauté urbaine ou villageoise, un président d'APC qui n'a aucune idée de ses responsabilités, encore moins de ce qui est attendu de lui, sauf de son parti. Cet aspect de sa fonction d'élu est en fait la responsabilité du ministère de l'Intérieur, qui généralement consacre des sessions de formations à ces élus pour gérer leur commune. Ils ont également avec eux des secrétaires généraux qui font ?'le boulot», font marcher les affaires administratives des communes et conseillent les élus. Drôle de façon de concevoir le travail des élus, qui peuvent débarquer dans une mairie, décider de la faisabilité de projets importants entamés avant leur arrivée, les annuler et programmer d'autres à leur place. En attendant, l'argent des contribuables aura été dépensé pour des projets ?'morts-nés», et le développement de leur commune attendra la réalisation des projets décidés par les nouveaux maires, dont le mandat expirera avant. Et on s'interroge alors sur le développement du sous-développement. C'est le cycle de l'éternel recommencement, comme ces réfections de trottoirs tous les trois à quatre ans, ces projets inachevés, le scandale des lampadaires refaits tous les trois ans en moyenne, ou, pire, la consommation à une vitesse ahurissante du foncier urbain, conséquence de la construction hors zone urbaine des équipements publics, dont les écoles, les centres de santé, de formation professionnelle. Faut-il prêter dès lors une oreille attentive à toutes ces ruades au sein des grandes formations politiques, assurées d'avoir un nombre de sièges confortables, relatifs à la confection des listes et têtes de listes électorales ? Comme quoi, il est venu le temps de changer certaines dispositions de la Constitution, sinon de la contourner pour offrir aux Algériens plus de choix démocratique, d'alternatives citoyennes pour voter au profit de ceux qu'ils estiment capables d'améliorer leur vie de tous les jours, la rendre plus confortable, même en temps de crise? et pas pour des ?'nuls». Auquel cas, il n'y a pas lieu de s'offusquer de la désaffection de l'électorat, et des bulletins ?'nuls» à chaque scrutin.