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La politique et les pistaches

par Mahdi Boukhalfa

Un autre coup dur pour les Algériens que ce nouveau tour de vis dans les produits d'importations. Après les médicaments, une politique dramatique appliquée par l'ex-ministre de la Santé pour plaire à son chef (de gouvernement) en diminuant la valeur des achats de médicaments à l'international, sans considération pour les malades, voilà donc venu le temps de l'interdiction des importations de chocolat, d'amande, de raisin sec et autres fruits secs, sans lesquels les Algériens auront bien des difficultés financières pour organiser leurs fêtes.

Par contre, des produits que les Algériens ne consomment pas tellement, comme les boissons alcoolisées, ou les fromages comme le Camembert, ne sont pas interdits de domiciliation bancaire. Pourtant, à Draa Benkhedda ou dans n'importe quelle grande ville du pays, il y a au moins une usine de fabrication de fromages, dont le brie. C'est dire que pour les Algériens, la production locale de fromage est largement suffisante. Comme ces champs de raisin et ces caves de l'ONCV.

Alors, pourquoi les amandes, les fruits secs et pas la bière et les fromages ? Pour avoir un élément de réponse à cette question, un sociologue dira qu'il faut orienter l'enquête empirique vers les milieux de consommation et de commercialisation de ces produits.

Bref, le Premier ministre, qui a lancé une grande invitation au partis et associations de la société civile, aux académiciens et aux syndicats à se préparer à un dialogue national, dans le cas d'un feu vert du président, pour sortir le pays de la crise dans laquelle il se débat, n'a pas consulté les Algériens sur ce qu'il a décidé d'importer et interdire d'importer. Les Algériens, en réalité, ne savent du Dialogue national que ce qu'on en dit dans les hautes sphères: des conciliabules entre partis, hommes politiques influents et les responsables politiques du moment. Dans le détail, rien. Alors, tout le monde se pose la question de cette étonnante invitation du chef de gouvernement aux partis et acteurs associatifs à envisager un dialogue politique pour scanner l'avenir du pays. Mais, à cette condition incompressible, que le chef de l'Etat l'accepte. Si le président dit ?'Non'' à l'initiative, (en fait pourquoi une telle initiative? Et à ce moment ?), M. Tebboune se retrouvera dans la position d'un mauvais élève puni. Comme il confirme qu'il n'a aucun pouvoir de décision, ni aucune marge de manœuvre. Et donc que cette offre de dialogue national contient en elle-même toute l'aberration politique et économique du moment : un chef de gouvernement qui appelle les forces vives de la Nation, qui sont censées représenter le peuple, à un dialogue national sur l'avenir du pays, mais sous condition d'un accord du président.

Si ce n'est pas une plaisanterie de plus, cela en a l'air en tout cas, même virtuelle, car elle démontre parfaitement que les Algériens seront, au moins jusqu'en 2019, encore bercés par des chansonnettes à l'eau de rose qui donnent la désagréable impression de ?'déjà-vu''.

Pour gagner du temps et combler les carences d'hommes venus de nulle part et appelés à gérer les affaires des Algériens et décider ce qu'ils doivent manger et consommer. Et, surtout, qu'ils gèrent les affaires très sérieuses du pays en tâtonnant, en appliquant la terrible loi des probabilités conditionnelles: si ce n'est pas çà, alors c'est çà. Au passage, le pays aura fait un grand progrès en reculant à la vitesse grand V. Le tout sans pistache ni cacahuète pour déguster un bon thé à la menthe pour faire passer et oublier les moments difficiles.