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Conflit libyen : une feuille de route proposée par un gouvernement unanimement décrié

par Kharroubi Habib

Dans un discours diffusé à la télévision dans la nuit de samedi à dimanche, le président du conseil présidentiel du gouvernement libyen d'union nationale Fayez El Sarraj a proposé à ses compatriotes une feuille de route visant selon lui à faire sortir la Libye de la crise conformément à l'accord politique de 2015 et comprenant l'organisation d'élections présidentielle et législatives en mars 2018.

La feuille de route déclinée par Fayez El Sarraj dispose qu'il doit y avoir poursuite de l'application de l'accord politique intervenu en 2015 et le maintien du gouvernement d'union nationale en attendant la nomination par le chef de l'Etat élu d'un nouveau chef de gouvernement et l'approbation de son gouvernement par le Parlement. Pour ces élections dont la tenue selon Fayez El Sarraj mettrait fin aux luttes de pouvoir en Libye, sa feuille de route prévoit que leur préparation, leur supervision et leur surveillance incomberaient au haut commissariat des élections en collaboration avec l'ONU, la Ligue arabe, l'Union africaine et l'Union européenne. Il y est également consigné que sous la supervision et la gestion de l'ONU le Parlement et le Conseil d'Etat formeront des commissions de dialogue pour débattre avec les institutions de la société civile de l'élaboration du projet de code électoral et la proposition de révision constitutionnelle pour fixer les prérogatives du chef de l'Etat. Il y est stipulé aussi le cessez-le-feu et l'arrêt des hostilités à travers tout le pays à l'exception de la lutte antiterroriste tel que convenu dans l'accord politique libyen et les chartes internationales, et que pour sa part le gouvernement d'union nationale veillera à garantir tous les besoins nécessaires aux citoyens dans toutes les régions.

Il reste à savoir si la feuille de route dévoilée par Fayez El Sarraj sera acceptée par les factions qui se disputent le pouvoir en Libye. Leur confrontation a pris ces dernières semaines une tournure qui a fait entrevoir qu'elles ont tourné le dos au dialogue et aux compromis et misent à l'évidence sur le règlement de leurs querelles et différends par la voie des armes poussées en celle-ci par les parties étrangères qui leur accordent en sous-main aide et assistance.

Ces factions libyennes déterminées à rendre caduc l'accord politique de 2015 qu'elles considèrent n'avoir pas tenu compte du rapport de force réel existant entre les camps protagonistes de la crise libyenne n'apparaissent pas disposées à accepter l'initiative de Fayez El Sarraj qu'elles peuvent estimer comme tentative de sa part de se sortir de l'isolement dans lequel son gouvernement et lui-même ont été placés.

De fait, El Sarraj a fait la proposition d'une feuille de route qui dans le principe serait à même d'ouvrir la perspective d'une entente entre Libyens et de frayer le chemin à la refondation politique et institutionnelle de l'Etat libyen. Mais il l'a fait dans un contexte où tout est en défaveur du gouvernement qu'il dirige tant celui-ci a fait la preuve qu'il ne survit que grâce à la reconnaissance internationale qui lui a servi de protection contre la conjonction des refus de son autorité. Peu sûr aussi que les puissances qui ont reconnu ce gouvernement accueillent positivement l'initiative de Fayez El Sarraj dont l'échec à instaurer son autorité sur le pays a été total. Certaines d'entre elles poursuivant d'occultes buts en Libye ont même déjà opté pour miser sur d'autres acteurs libyens du conflit et insidieusement fermé la parenthèse d'un dialogue interlibyen même si elles continuent à déclamer qu'elles soutiennent cette option. Seule une pression internationale exercée solidairement sur tous les protagonistes de la crise libyenne pourrait donner ses chances à une feuille de route du genre de celle proposée par El Serraj. Sauf que les parties qui pourraient l'exercer ne s'y résolvent pas étant elles en situation de rivalité et de concurrence sur le dossier libyen.