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Le pouvoir de la rue

par Mahdi Boukhalfa

Entre les Algériens et leurs responsables, il y a une grande différence dans les mots, les comportements et les avis. Et plus généralement, en matière de lutte contre la corruption et la défense des droits de l'homme, les deux parties se sont entendues à ne jamais s'entendre ! Premier exemple, celui du rapport 2016 de l'ex-commission présidée par l'ex-Farouk Ksentini, celle dévolue à la protection et la promotion des droits de l'homme. Eh bien ! Cette commission n'a rien vu, rien entendu, sur la mort du journaliste Mohamed Tamalt en prison, sur les cas d'allégations de tortures, sur les arrestations des mauvais utilisateurs de réseaux sociaux, etc., et donne cependant des conseils pour la relance économique et la résolution des crises des secteurs de l'éducation nationale et la santé. Sur les milliers de disparus de la décennie noire, il s'agit ?'d'allégations-disparitions''. Comme si des milliers de disparus ne l'ont pas été, dont ceux enlevés par les hordes terroristes. Bref, pour la très officielle CNCPPDH et son ?'bébé'' le CNDH, il n'y a vraiment rien à voir, par ici. Tout est clean. Même les interdictions de manifestations, notamment à Alger, ne sont pas relevées, étant entendu que la Commission chargée de la protection et même de la promotion des droits de l'homme en Algérie, dans notre pays donc, épouse parfaitement les inquiétudes de la wilaya d'Alger. Mais quelles inquiétudes ? Des leaders politiques qui appellent à manifester contre une loi de finances qui étrangle le pouvoir d'achat des Algériens, ou demandent plus de liberté d'expression, ne peuvent le faire sous peine d'être arrêtés, alors que les fans du CRB ou du MCA, et même de l'ESS, tiens ! après une mémorable victoire, défilent dans les rues de la capitale avec force zorna et ?'craquage'' et feux de Bengale, sans être inquiétés par M. Zoukh, qui, pour un peu, aurait défilé avec les ?'Verde Leone'' sur le parvis même du siège de la wilaya. Alors, c'est pour qui les droits de l'homme en Algérie ? La question mérite d'être posée, et mille fois posée, quand des protestataires, revendiquant là un logement, là-bas l'alimentation en eau potable, ailleurs le bitumage des pistes de douars, bloquent les routes nationales, les autoroutes, et même sortent dans les grandes villes en brûlant des pneus, ne sont non seulement pas inquiétés, mais ont gain de cause. Ils sont relogés, alimentés en eau potable et les routes des douars sont asphaltées. Le tout sans aucune arrestation. Alors question : pourquoi revendiquer un toit, de l'eau potable ou une route goudronnée avec violence ne mène pas en prison, mais provoque une vague de sympathie nationale avec les ?'zaoualyas'' ? Pour les ?'empêcheurs de tourner en rond'', ces détracteurs et ces ?'critiqueurs'' politiques de leur pays, eh bien ! ce sera ?'no pasaran''. C'est comme cette affirmation du ministre de la Justice, Tayeb Louh, qui a rappelé jeudi à Tipasa que ?'la lutte contre la corruption n'est pas une campagne conjoncturelle, mais un travail mené sur le terrain au quotidien avec la participation de tous les secteurs de l'État''. Selon Tayeb Louh, des mécanismes ?'plus efficaces de la politique de prévention contre le crime de corruption seront mis en place à travers l'intensification de la coordination entre les instances et services de l'État en matière de lutte contre les crimes financiers et économiques par le nouveau plan d'action du gouvernement''. Même si on n'a pas trop compris le sens de cette phrase, nous disons quand même ?'Aaamin !''