On reste
dubitatifs pour ne pas dire inquiets sur la capacité de l'Algérie à avancer
avec ce règne écœurant de l'inculture et de la médiocrité dans notre société
d'aujourd'hui. Lequel nuit, par bien des aspects, à sa
santé morale. En effet, comment une grande ville comme Alger par exemple
peut-elle prospérer avec seulement quelques salles de théâtre et cinq ou six cinémas
ouverts ? Comment peut-elle ramer vers la modernité, rêver ou même... respirer
? Ces interrogations-là ne sont pas miennes, à vrai dire, mais celles d'un
ressortissant étranger, installé dans la capitale depuis une dizaine d'années.
Croisé par un journaliste d'une chaîne privée, ce dernier qui avait travaillé
aussi un certain moment en tant que coopérant technique au Maroc et en Tunisie,
n'en revient pas : l'Algérie fait beaucoup moins dans le domaine de la culture
que ses voisins, pourtant moins dotés qu'elle en richesses naturelles. Loin de
cautionner tout penchant fataliste, ce constat semble pertinent à plus d'un
égard. Car, une nation, quelle qu'elle soit, ne se construit jamais sur la
fermeture, le repli et l'ignorance. Or, à près de 3 millions d'habitants, la
capitale cohabite encore, malgré elle, avec le vide culturel, l'assoupissement,
le manque de divertissement et de loisirs, quel dommage ! Si la façade du pays
sombre dans un tel décor désertique qui frise le cas de mort clinique d'un patient
victime d'un A.V.C, que penserait-on alors des villes de l'intérieur et surtout
de celles du grand Sud ? Enfin, comment prétend-on, en haut lieu, gérer
convenablement un peuple, tout en fermant les portes à la culture et aux
libertés ? Il semble que le drame de l'inculture sévit chez nous de façon
irrémédiable au point de voir la violence se banaliser dans les actes
quotidiens de nos citoyens et même s'ériger, ces derniers temps, en langage
dominant dans nos campus universitaires. Un tel cataclysme ne sera guère
possible s'il y a un brin de lucidité dans la tête de ceux qui nous dirigent.
Or, ayant longtemps négligé le secteur éducatif, ces derniers n'ont fait, en
vérité, qu'enfanter l'irréparable. Combien de nos enfants sont-ils
familiarisés, à titre d'exemple, avec le cinéma ou le théâtre ? Combien
connaissent-ils les colonies de vacances où l'on apprend l'art de communiquer
et de dialoguer avec les autres, la politesse, la tolérance, l'abécédaire de la
citoyenneté et du savoir-vivre, etc. ? Combien ont-ils voyagé dans le cadre de
visites et de rencontres inter-wilayas élargies ? Très peu, décidément. Puis,
en profonde mutation, notre société très retardataire sur l'enjeu culturel, n'a
pas pu réguler avec rationalité ses frictions avec le monde moderne, la
technologie, les réseaux sociaux et l'internet. Toutes ces failles-là et bien
d'autres encore s'ajoutent à «la contagion du pessimisme» qui se traduit par
des frustrations, des ressentiments et des colères d'ordre économique,
politique ou social. Ce serait faire preuve de cécité que de continuer sur
cette voie. Le mal devrait être soigné par des méthodes pédagogiques efficaces
dont la culture forme la base. Sachant que l'investissement de l'État dans ce
créneau-là sera un important levier pour entamer dans un proche avenir la
perspective touristique.