Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Le Makhzen ridicule sa presse

par Kharroubi Habib

Pour pousser les Marocains à prendre parti contre le mouvement de protestation déclenché dans la province du Rif suite à la mort atroce d'un jeune poissonnier broyé par une benne à ordures alors qu'il tentait d'y récupérer sa marchandise arbitrairement confisquée, le Makhzen et les médias qui lui sont inféodés l'ont présenté comme recouvrant une visée séparatiste et animé par des «agitateurs» inspirés et manipulés par les services de l'Algérie voisine. Leur délirante accusation a également servi de justification à la féroce répression qui s'est abattue sur les manifestants et de motif d'inculpation à l'encontre de leurs leaders arrêtés et emprisonnés.

Ayant échoué à remonter la population contre les «séparatistes» et constaté que leur mouvement de protestation ne s'est pas éteint après l'embastillement de ses principaux animateurs, le Makhzen a cru pouvoir provoquer l'apaisement au Rif en s'adonnant à un rétropédalage dans son attitude sur les évènements qui s'y déroulent. C'est le chef du gouvernement marocain Saâdeddine El Othmani lui-même qui a enclenché le revirement fait par le Makhzen en admettant que l'accusation de «séparatisme» portée par celui-ci et ses médias a été une erreur et en reconnaissant que la protestation des Rifains n'a cessé d'être pacifique et empreinte de retenue.

Il n'est pas acquis néanmoins que le rétropédalage opéré par le Makhzen ramènera le calme dans le Rif marocain dont la population a eu à subir le déchaînement d'une répression ayant eu l'ampleur d'une punition collective. D'autant moins que même si le chef du gouvernement a admis que le Makhzen a fauté en prêtant au mouvement de protestation une visée séparatiste et a inculpé sous ce motif ses leaders, il n'a pas été annoncé que ces derniers allaient être relaxés comme l'exigent désormais les manifestants.

La protesta du Rif se poursuivra en effet à coup sûr tant que cette mesure n'aura pas été prise et d'autres gestes faits par le roi en personne confirmatifs de sa reconnaissance du bien-fondé des revendications à la base du mouvement de protestation de la population. Mohamed VI qui a fini par comprendre que ce mouvement est non seulement porté par les Rifains lassés d'être traités en citoyens de seconde zone du royaume, mais qu'il est susceptible d'avoir un effet d'entraînement sur les autres citoyens tout autant mécontents de la gouvernance du pays et des pratiques du Makhzen, s'est résolu à des concessions comme semble l'indiquer la volte-face du chef du gouvernement, dont la déclaration n'a fait en fait que préparer le terrain à un geste «royal».

Il n'empêche que l'aveu de Saâdeddine El Othmani a mis à nu la servilité de cette grande partie de la presse et des médias marocains totalement asservie par le Makhzen et lui servant d'instrument propagandiste véhiculant et amplifiant toutes les ignominies qu'il déverse et sur les oppositions dans le royaume qui contestent son pouvoir et ses pratiques et les pays auxquels il prête des intentions hostiles à son égard.