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Où il est question de hessd et de mauvais œil

par Mahdi Boukhalfa

Grande première pour les législatives 2017: selon le président de l'instance de surveillance des élections, on peut se porter candidat sans pour autant montrer ou décliner son identité visuelle, réelle, à travers une photographie. Oui, dorénavant, c'est possible en Algérie pour les femmes candidates de se porter sur une liste électorale sans montrer leur visage. Ce n'est ni un canular, ni un «fake news». Nos chères concitoyennes de Bordj Bou-Arréridj, candidates à la députation, se le sont fait entendre et comprendre par le président de la Haute instance de surveillance des élections, M. Derbal en l'occurrence.

Résumons l'affaire: à BBA, une région de forte émigration en France, d'intellectuels, riche par un passé guerrier et militant contre le colonialisme français depuis l'époque d'Ahmed Benahmed El Hadj El Mokrani, mort le 5 mai 1871 près de l'Oued Soufflat, des candidates de plusieurs partis n'ont pas décliné leur photographie sur les affiches. Suffisant pour créer et nourrir la polémique: des candidates qui n'osent pas montrer leur visage ! Alors, se demandent des électeurs, et des observateurs, quand elles seront élues, comment feront-elles devant les caméras de TV à l'Hémicycle ? M. Derbal, le président de la HIISE a trouvé la parade, l'explication qui ne saurait souffrir d'aucune contestation, ni remarque: «On ne veut pas porter atteinte aux coutumes et traditions des Algériens. Pour M. Derbal, il faut juste que les noms qui sont sur les affiches soient bien ceux des candidats (es) qui doivent y figurer». Rien que çà ! Mais, si on ne veut pas porter atteinte aux coutumes des Algériens et des Algériennes, il faudrait à ce moment-là continuer sur la même logique et demander à ces femmes une fois élues d'être «transparentes», sinon «invisibles» à chaque séance parlementaire. Encore faut-il que les électeurs puissent se faire une idée sur qui ils vont voter. Mais, le plus étrange dans cette affaire, est que M. Derbal a été contredit par le représentant local de la HIISE qui avait adressé une sévère mise en demeure aux partis fautifs de n'avoir pas décliné la photographie de leurs candidates. C'est pour cette raison et toutes les autres que ces législatives 2017 ont depuis le début cessé d'être intéressantes pour le large électorat. Jamais, jamais, jamais quelqu'un qui veut se faire élire pour n'importe quelle raison dans une quelconque structure n'omet de bien montrer son visage, le plus avenant possible, avec costume cravate, rasé de près ou la barbe bien taillée. Alors que pour les femmes c'est la meilleure toilette, après le passage obligé chez la coiffeuse, qui est sortie pour La photo. Il n'y a que dans notre beau pays, que Dieu le préserve du mauvais œil !, que ce genre de lubies, d'insultes à la raison, pour ne pas dire à l'intelligence humaine, arrive ! Et c'est celui qui a été nommé par le premier magistrat du pays, qui trouve les raisons pour que les candidates d'une région ne dévoilent pas leur visage dans les listes électorales.

Quant au commun des Algérien, celui qui a peur du «mauvais oeil» et des «gris-gris» et autres sortilèges, il donne lui aussi raison à ces femmes-candidates de ne pas se montrer avant la victoire. Que voulez-vous, chez nous, les tares du sous-développement intellectuel et culturel sont encore tenaces, comme la peur du «hessd» et la jalousie, le mauvais sort, les commérages et, surtout et surtout le «mauvais oeil». Des carrières de parlementaires brillantes ont été ruinées, à ce qu'on dit, près des sombres forêts des Bibans, dans les vallées de M'zita ou les froides montagnes de Djaafra et Teffreg. Alors, fortes de ces malheureuses expériences, les candidates de Bordj Bou-Arreridj se sont tout simplement prémunies, à l'avance, contre le mauvais sort. La preuve, la HIISE a été envoûtée par un terrible sortilège sorti tout droit des forêts de «Kaf Eddalma».