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Un rêve !

par Mahdi Boukhalfa

Le vote du 4 mai approche. Il s'agit de renouveler les représentants du peuple. Ceux qui vont taper sur la table pour défendre la dignité des Algériens. Du moins, c'est ce qu'ils disent dans leurs meetings électoraux. Et ils seront plus d'un millier de prétendants à briguer un siège au Parlement. Pour cela, ils comptent sur les voix des 23.251.503 électeurs inscrits pour gagner le droit et l'honneur de défendre le consommateur contre les spéculateurs en fruits et légumes, le spolié de ses droits par l'administration, redonner espoir aux désespérés, lutter avec les marginalisés, harceler les walis et les PAPC pour le logement des « oubliés », bref, faire un vrai travail de député et être à l'écoute des doléances de leurs électeurs. Partout dans le pays, du sud au nord, et de l'est à l'ouest.

Pour ces candidats à la députation, comme pour leurs partis, l'objectif de remporter un ou deux sièges dans la future Assemblée nationale passe par un véritable parcours du combattant, une lutte féroce, implacable, pour gagner le privilège tant convoité de défendre « la vox populi » contre la hogra, être proche des attentes des citoyens et travailler pour une Algérie où le Parlement est celui qui écoute les citoyens et met devant ses responsabilités le gouvernement dans la prise en charge des besoins des citoyens, être à leur écoute et concrétiser son programme social, dont le logement, l'emploi, la bonne gouvernance, l'accès aux soins et, surtout, la fin de la hogra, du népotisme, de la prédation et la bureaucratie. L'avènement d'un Etat de droit, de justice sociale, de fin des privilèges et d'un pays idéal où il fait bon vivre.

C'est tout ce mirage, ce rêve éveillé, cet état de grâce, que font miroiter nos braves candidats à la députation à tous ceux qui ont un peu de temps à perdre pour aller écouter leurs speechs. Nous sommes en pleine campagne électorale pour les élections législatives du 4 mai 2017. Et à ce titre, tous les coups, enfin presque, sont permis entre candidats. Que l'on soit du FLN, qui va rafler la mise selon madame Soleil, ou du RND, qui va ratiboiser son rival et géniteur, selon cheikh Ennouri, du PT qui veut consolider sa place au soleil faisant une chose et son contraire, ou des autres partis, donc tout ce beau monde met les bouchées doubles pour ne pas sortir bredouille, sinon avec un nombre de voix moindre que celui escompté sur la base de faramineuses dépenses de campagne, dans la soirée du jeudi 4 mai prochain.

Tous prêchent la bonne parole et tous ont des solutions aux problèmes existentiels des Algériens. Hausse des prix des fruits et légumes ? Une broutille qui sera réglée une fois le vote terminé. Pas d'emplois ? Cela va se régler également après le vote. Faut juste patienter. L'économie nationale est en panne ? Pas de quoi s'inquiéter, cela va se résorber dès le 5 mai prochain. Les forces impérialistes préparent une guerre totale contre les pays du Sud qui luttent contre leur survie ? On leur fera voir de quel bois on se chauffe, mais juste après le vote. Et tous ceux qui disent du mal du pays n'ont qu'à bien se tenir, les comptes seront soldés après le vote.

Donc, dans le pays, c'est comme si tout s'arrête, comme si tout est suspendu à ces élections législatives, présentées par les partis et candidats en lice comme le sésame de tous les maux et les problèmes des Algériens. Et jusqu'au gouvernement qui s'immisce dans cette campagne électorale, en allant demander poliment aux électeurs d'aller voter le jour du scrutin. Pourquoi? Pour lui, le gouvernement, c'est une question de ?'nif national'', de ?'Rouh watanya'', de salut public, pour sauver la démocratie, la paix sociale, la sécurité du pays, bref, tous les ingrédients de la logorrhée politique de la langue de bois sont servis aux Algériens, à un moment où ils n'ont soif ni de démocratie, ni de soupe populaire, encore moins n'ont d'inquiétudes pour la sécurité de leur pays, comme cela leur est servi à travers les thèmes de cette campagne électorale.

?'Aller voter pour la sécurité de l'Algérie'' est un thème éculé jusqu'à la corde. Plus drôle, c'est que des candidats ont l'air d'y croire. Ce pays est bien gardé, mais manque, par contre, de vrais candidats parlementaires pour constituer un Parlement du peuple, pour le peuple. Un ?'Barlamène'' qui se fait respecter et ne se laisse pas marcher sur les pieds. Un rêve !