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La hantise de l'Occident

par Moncef Wafi

Daech a encore frappé au cœur de la France, à Paris, sur les Champs-Elysées, la plus belle avenue du monde, comme l'affirment les publicitaires. L'attentat a choqué comme ont choqué les attaques béliers en Allemagne, en Suède ou encore en Angleterre. La hantise de l'Occident d'enregistrer le retour de ses djihadistes, partis mettre le feu en Irak, en Syrie et en Libye au nom d'une idéologie religieuse douteuse, est en train de s'affirmer au gré des revendications de Daech des attentats.

Daech s'est inscrit dans cette dualité tout occidentale superbement résumée dans l'éditorial du New York Times qui conseillait à l'administration Trump de soutenir l'Etat islamique en Syrie. Thomas Friedman, triple lauréat du prix Pulitzer, appelait la Maison Blanche à soutenir militairement Daech en Syrie, tout en luttant contre cette même organisation terroriste en Irak. Pour lui, cette contradiction pousserait la Russie, l'Iran et le Hezbollah à négocier le départ d'Al-Assad. Dans la logique de l'éditorialiste américain, il existe deux Daech, le «territorial», qui s'étend de l'Irak à la Syrie, et le «virtuel», dont le terrain djihadiste est le cyberespace.

Sa lecture de la réalité, incongrue aux premiers abords, n'est pourtant pas exclusive puisque partagée, dans les faits, par la politique européenne dans son approche du conflit syrien. Pour Friedman, le Daech fictif est plus dangereux, constituant la première menace pour le reste du monde occidental puisqu'il «dissémine son idéologie grâce à Internet». Dans sa lecture, le «Daech» qui tue et mutile les musulmans en Irak et en Syrie est un atout stratégique pour les États-Unis et leurs alliés. D'après lui, sa défaite militaire dans la région entraînerait une recrudescence des attentats du «Daech virtuel», surtout en Occident.

Cette logique américaine trahit ce langage hypocrite en direction des pays arabo-musulmans et définit en clair les priorités à respecter. Il faut tout faire pour que le problème ne s'exporte pas en dehors de leurs territoires. Pour cela, le droit international et l'obligation morale ne sont que questions subsidiaires et les Américains de se considérer au-dessus des lois quitte à encourager une créature, née dans les étuves des laboratoires, à distinguer le sang de ses victimes.