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Public par-ci, publique par-là

par Mahdi Boukhalfa

C'est à la mode, dans l'air du temps : tout le monde court derrière le « public ». Cette notion vague et globale en même temps, qui désigne pour les commerçants les « clients », pour les politiques « des militants », pour des candidats à la députation des « électeurs », pour les économistes, les entreprises déficitaires et renflouées, sans frais, par l'Etat, et même, tiens, pour les journaux « des lecteurs ». Avec le début de la campagne électorale pour les élections législatives de cette année de grâce 2017, la chasse aux voix est ouverte, et tous les partis ont mis en place des trésors de stratégie pour que le public ne boude pas leurs meetings. La désaffection du public pour ces élections serait, catastrophique, sur le plan politique et social, pour beaucoup d'experts en psychologie des foules, mais également pour les analystes politiques. Tous les candidats et leurs partis font la chasse aux voix, et, normal, veulent attirer le plus de public et l'amener à voter.

Oublié durant cinq ans, le public algérien est ainsi devenu la star de cette consultation, l'espace de quelques semaines, au cours desquelles il est, énormément, sollicité. Dans ce magma informel du tout public, il y a la désaffection du public, envers la presse publique, qui est la toute dernière et renversante information, encore chaude comme une miche de pain, sortie du four banal d'un boulanger anonyme, d'un quartier oublié d'ensembles urbains où se tassent la moitié de la population algérienne. Donc, l'information, plus vraie que nature, est que la presse publique, en mal de lecteurs assidus, sans public, traverse des moments difficiles. Le chiffre d'affaires en baisse, désaffection de lecteurs, tirage insignifiant pour d'anciens grands titres de la presse nationale. Quelle époque ! Face à cette douloureuse situation, qui menace l'existence même de la presse publique, l'Etat vient à la rescousse pour éviter la mort subite, et maintient la mort lente. Sans jamais envisager les pentes douces de l'euthanasie. Alors, face à la désaffection du public, selon un communiqué officiel, l'Etat intervient et trouve une solution géniale pour éviter, comme d'habitude, la banqueroute des titres de la presse publique : un regroupement sous le terme pompeux de groupe de presse, sauf que les DG actuels vont se convertir en directeurs exécutifs, comme s'il s'agissait d'un conglomérat financier coté à la bourse d'Alger. En réalité, la presse publique, dont le total du tirage n'excède pas la moitié d'un titre de la presse privée, est boudée par le public, depuis longtemps. Pourquoi ? D'après les dernières informations, récoltées auprès d'un large public, en zones rurales et urbaines, et même dans certaines localités du sud du pays, l'Algérie est le meilleur pays au monde, nous avons la meilleure équipe de football au monde, elle est le meilleur pays au monde où il fait bon vivre, c'est le seul pays d'Afrique et du Maghreb, qui ne connaît pas de crise économique, la scolarisation est de 100% et la couverture sanitaire de 200%.

Tout le monde a un toit. Bref, à lire les journaux publics, on viendrait à plaindre ces milliers de ?harraga' qui bradent leur vie pour une existence périlleuse en Europe. A trop lire, ces journaux publics, cela mène tout droit vers la folie des grandeurs. Après avoir fait le tour de la presse publique, dans un café, avant d'aller faire ses courses dans un marché du coin, on risque la crise cardiaque ou de démence. C'est à çà que mène aujourd'hui, la presse publique !