Les
Algériens ne savent plus que faire entre une pâle actualité imposée par des
élections législatives qui ne laissent aucun répit aux oreilles, les sombres
prévisions de nombre d'observateurs sur l'impasse économique dans laquelle se
retrouve le pays et la flambée vertigineuse des prix des produits alimentaires.
Tous les enjeux dont parlent les officiels leur paraissent d'une sidérante
inutilité. On dirait qu'il y a, aujourd'hui en Algérie, un glissement
perceptible de l'état du désenchantement populaire vers la frustration et
l'amertume généralisées. Mais est-il encore possible d'inverser les variables
de l'équation et freiner notre descente sur cette pente fataliste ? Autrement
dit, peut-on croire encore au salut de la nation par les urnes ? Et lancer,
ainsi, le pari que la campagne électorale se distinguera du bla-bla, la langue
de bois, la pédanterie et le populisme ayant caractérisé les précédentes ? Peu
probable, hélas ! En plus, le sempiternel sentiment d'abandon chez les masses
et les ressentiments qui s'en sont suivis s'enracinent dans l'impression de ces
dernières de n'être ni écoutées ni entendues, de n'avoir jamais droit à la
parole, d'être le cadet des soucis des responsables politiques à tous les
niveaux. Le blocage des canaux de la communication entre la base et le sommet
semble perdurer pour longtemps. Il s'en dégage une immense cacophonie, des
larsens secs et stridents, des brumes grises qui brouillent la vision, un
nauséeux «jeu de dupes» qui épuise les neurones. Et malheur à ceux qui osent un
clic sur internet ! D'autant que les relents d'alarmisme vont les happer à la
première minute sur des réseaux sociaux qui renvoient en continu le portrait
d'une patrie qui marche à rebrousse-poil des sentiers du progrès, comme
opposant un niet catégorique à la loi du temps : le mouvement ! Qui plus est, jette
ses enfants, les uns au fourneau du suicide social, les autres aux portes d'un
exil plein d'hypothèses. En vérité, il y a un vide immense dans l'Algérie
actuelle dans la mesure où la fuite des cerveaux nous a trop coûté, un drame si
l'on ose la décrire ainsi ! La saignée des cadres et des compétences, qui font
le bonheur des nations occidentales, est hémorragique. Elle a causé la perte de
confiance de la nation en elle-même et dans ses chances de décollage. C'est
pourquoi, le recours à l'expertise étrangère dans le management et la
technologie ne cessera pas de sitôt. Cela nous coûtera
encore plus cher que prévu, surtout dans l'exploitation des gisements
pétroliers du Sahara ! Où est la conscience de nos responsables ? «Un peuple,
dixit le poète syrien Adonis, s'éteint quand il perd son énergie créatrice, le
pouvoir d'améliorer et de changer le monde, c'est l'extinction (?) et le
malheur, c'est quand ses élites continuent de réfléchir dans le cadre de cette
extinction». On n'en est pas loin en Algérie à vrai dire du moment que notre
nomenklatura persiste d'inscrire toutes ses stratégies dans le «tout-pétrole»
sans penser au potentiel humain de la jeunesse, aux énergies renouvelables, à
l'économie solidaire, à l'agriculture, etc.