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Pas de compassion mais froid calcul

par Kharroubi Habib

Si l'on ne sait pas encore ce que la majorité des Américains pense de la décision prise par son président de faire bombarder une base aérienne militaire syrienne, l'on sait par contre qu'elle a suscité l'approbation quasi unanime des élus siégeant dans les deux chambres du Congrès. C'est la première fois depuis son investiture et prise de fonction en janvier dernier que Donald Trump reçoit un appui aussi massif de la part des parlementaires américains républicains et démocrates confondus.

Cet appui qui a manqué au successeur de Barack Obama a rendu chaotique et indiscernable son agenda politique, ayant en effet été contraint par les oppositions qu'il a rencontrées au Congrès à se raviser sur la plupart de ses actes présidentiels. Ce qui a passablement amoindri sa popularité et le fait considérer au sein de l'opinion américaine comme étant versatile et prêt à aller dans le sens voulu par ces oppositions. Mais par l'agression militaire qu'il a ordonnée contre l'Etat syrien, Donald Trump a donné à voir une autre facette de sa personnalité, celle d'un homme d'Etat au cynisme accompli.

Le spectacle affreux d'enfants syriens gazés avec des produits chimiques prohibés n'a pas suscité chez lui l'émotion au point de prendre le risque d'engager l'Amérique dans une opération de représailles qui pouvait être cause d'une confrontation apocalyptique. Le président américain et ses proches conseillers à la Maison Blanche ont par calcul froidement exploité l'épisode du gazage dont les responsables n'ont pas été identifiés de façon irréfutable pour monter l'opération militaire ayant visé la base militaire aérienne syrienne. Le résultat au plan intérieur américain qu'ils en attendaient est que le bruit de bottes qu'elle susciterait ranime le patriotisme américain susceptible de susciter chez leurs compatriotes citoyens et élus à faire bloc derrière leur président. L'on sait que ce genre de stratagème s'impose toujours en dernier ressort aux gouvernants en butte à la perte d'autorité et de popularité. Trump qui en trois mois de présidence s'est retrouvé dans ce cas en a usé en prenant le prétexte de l'attaque aux gaz de combat qui s'est produite aux environs de la ville syrienne d'Idlib. Pourfendeur durant sa campagne électorale des va-t-en-guerre américains qui ne conçoivent pas d'autre politique internationale pour les Etats-Unis que celle de l'emploi de la force, Donald Trump s'est revêtu de l'habit du commandant en chef apte à mener cette politique qu'il sait allant lui valoir leur approbation et l'atténuation de l'obstruction qu'ils font à ses actes de gouvernance.

De pacifiste qu'il a déclaré être, le nouveau président américain s'est mué en chef de guerre non pas parce que l'attaque aux gaz chimiques près d'Idlib a menacé la sécurité nationale de l'Amérique et lui a imposé le revirement qu'il a fait, mais pour provoquer le bruit de bottes qu'aiment entendre ses détracteurs. Sa « métamorphose » fait désormais craindre que Donald Trump veuille en faire la preuve en engageant encore plus les Etats-Unis dans des aventures guerrières et ainsi transformer ses adversaires interventionnistes en soutiens inconditionnels.

Après la Syrie pourquoi pas une démonstration de force visant par exemple l'Iran ou la Corée du Nord comme le laissent envisager les menaces que lui et ses proches collaborateurs ont proférées. Ce calcul purement fait en prenant en considération la situation intérieure américaine dans laquelle se débat l'occupant de la Maison Blanche est lourd de dangers pour la planète car il se pourrait qu'en cherchant à le réaliser, ceux qui le font provoqueront une conflagration dont ils ne cernent pas la dangerosité des conséquences.