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La tête ailleurs

par Moncef Wafi

Jamais campagne électorale n'a semblé briller par son anonymat comme celle qui s'ouvre aujourd'hui pour les législatives du 4 mai prochain. Le maître-mot populaire est une indifférence générale et généralisée rendue d'autant plus d'actualité que le souci majeur de l'Algérien est ailleurs. La crise a obligé le citoyen à regarder plus vers sa poche que de se focaliser sur l'avenir du pays. Parce que si la désaffection des urnes est plus qu'une probabilité, que l'Etat veut maladroitement empêcher, il n'en demeure pas moins que c'est un enjeu de cinq ans qui est en train de se débattre.

Le discours électoral développé par les partis politiques, qu'ils soient issus de la majorité, de l'opposition ou de la mouvance islamiste, le profil même des candidats à la députation et la «certitude» d'élections orientées feront que l'abstention risque d'être record à cette occasion. En fait, rien n'encourage le citoyen à aller voter, à commencer par cette campagne officielle indigente, à gros renforts de visages importés. La supercherie éventée, le gouvernement s'est muré, comme à ses habitudes, dans un silence autiste. La disposition même des panneaux d'affichage spécial élection a déclenché une vague d'indignation à travers les réseaux sociaux à cause de leurs emplacements incongrus. On y voit des panneaux obstruant des entrées de cimetières ou encore empêchant les piétons de circuler sur les trottoirs, à croire que ceux qui les ont mis là manquaient franchement de discernement.

Cette anecdote trahit tout le sérieux qui entoure des élections décrédibilisées en amont. Les scandales de marchandages autour des têtes de liste et l'intrusion publique de l'argent des affaires dans la politique ont grandement contribué à réduire l'intérêt citoyen dans les urnes. Aujourd'hui donc, les Algériens vont assister, à leur corps défendant, à la valse des pantins, aux meetings des présidents de parti, à l'importation de militants et sympathisants payés au sandwich de circonstance, aux interventions télévisées indigentes et aux débats biaisés. Que peuvent bien faire et les partis et le gouvernement pour persuader les Algériens d'aller voter ? Apparemment, le cordon ombilical est rompu depuis longtemps et l'expérience du dernier Parlement n'est pas pour rétablir la confiance perdue. Reste maintenant le taux officiel de participation qu'on veut bien nous vendre au lendemain du 4 mai. Ould Abbès parle déjà de 50%. Pourquoi pas ?