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Etat d'âme du logement social

par Abdelkrim Zerzouri

On peut tomber partout sur la rapine, le détournement de deniers publics ou la déviation d'un bien public de sa vocation fondamentale, mais le fléau sévit à des degrés incroyables dans le marché de l'immobilier, du logement social, pour être plus précis. Prenons un exemple concret, parmi tant d'autres formules de réalisation de logements (AADL, LSP, LPP et le social locatif), les ex-souscripteurs aux logements Cnep Immo, qui ont finalement obtenu leurs logements après plusieurs années d'attente, et de nombreuses actions de protestation pour dénoncer la lenteur d'avancement des chantiers, ne semblent plus aujourd'hui très pressés de rejoindre leurs nouveaux quartiers ! Mieux, immédiatement après la distribution des clés, des dizaines de logements ont été mis en vente ou en location. Et rares sont les bénéficiaires qui ont occupé effectivement leurs nouveaux appartements. Les ménages réellement dans le besoin d'un logement se sont empressés de rejoindre leurs nouveaux quartiers le jour même de la remise des clés. Ironie de l'histoire, ce n'est qu'après la distribution des logements qu'on s'assure à fond qui est dans le besoin d'un logement et celui qui ne l'est pas. Les différentes opérations de toilettage des listes, de contrôle et d'enquêtes sociales ne sont pas fiables à 100%. Ceux qui se trouvaient dans le besoin réel ont occupé leur logement alors même qu'ils y ont engagé une vaste réhabilitation des espaces très mal conçus. Ils acceptent de côtoyer le ciment et les gravats que de continuer à habiter chez des proches ou dans des demeures louées au prix fort. Les choses s'éclaircissent, donc, après la remise des clés, là on fait la part des choses, on verra clairement qui a réellement besoin d'un logement et celui qui ne l'attendait que comme paquet de pognon. Mais, c'est déjà trop tard pour rectifier la parade. L'indu-bénéficiaire du logement dans le cadre social, la résorption de l'habitat précaire ou autres formules aidées par l'Etat, rira à chaudes larmes de ce système social qui le noie sous des liasses de billets de banque sans qu'il ait eu à fournir un quelconque effort, hormis les quelques sit-in où il a joué une comédie de la victime des insensibilités de l'administration et des entrepreneurs sans cœur qui ne tiennent pas considération de sa détresse, mise en scène avec brio, en laissant les chantiers du logement traîner dans les délais de réalisation. Puis, passant du rire au sérieux, il commencera très vite à faire fructifier son bien, mal acquis, en le mettant en location ou le vendant carrément, à la barbe et au nez du système social. C'est un Algérien qui a détourné un logement destiné à un autre Algérien véritablement nécessiteux d'un toit. Sans état d'âme. La pratique est très répandue, malheureusement, dans notre pays. On ne semble pas se rendre compte de ce gravissime comportement devant Dieu et les hommes. On ira faire sa prière en toute tranquillité. Et, poussant le culot plus loin, on trouvera matière à critiquer au passage tous les responsables qui ne sont pas, bien sûr, exemptés des critiques des citoyens. Mais pas par ces vautours qui détournent les biens à vocation sociale. Une société franchement déboussolée, parce qu'ils ne sont pas nombreux ceux qui ne chercheraient pas à faire partie de cette ?zerda' des vautours, des voleurs de logements sociaux qui, hier, n'avaient pas de quoi se payer un bon repas, se retrouvent au lendemain de la distribution des logements sociaux au volant d'un 4x4. C'est pour cela qu'il ne faut jamais s'émouvoir outre mesure devant les larmes de certains demandeurs de logements sociaux, qui recourent à tous les moyens émotionnels, et peuvent aller jusqu'à s'engager dans des actions violentes, pour décrocher une clé d'appartement attribuée gratis dans un cadre de solidarité avec les cas de citoyens nécessiteux, et qu'ils vendent au premier tournant. Un véritable fléau social qui menace sérieusement la stabilité du pays. Enfin, aux dernières nouvelles, les OPGI, qui ont recensé des dizaines de milliers de logements sociaux inoccupés ou occupés par des personnes autres que les bénéficiaires, se sont engagés récemment dans une opération de régularisation de l'illicite, soit l'établissement de documents au nom des occupants qui ont acheté les logements sociaux auprès de leurs primo bénéficiaires. Certes, le nombre des locataires, occupants effectifs de logements, dont les arrêtés restent toujours inscrits sous les noms de leurs primo bénéficiaires, est effarant, montrant l'ampleur du problème, mais il n'est pas dit que la régularisation de l'illicite passe pour un meilleur remède. On n'a pas fini de traire la vache.