L'amnésie
et le détachement, associés au temps, occultent peu à peu les actes et les
sacrifices de ces hommes et femmes ayant fait le choix de rester sincères avec
eux-mêmes et fidèles à leurs convictions. Ce n'est qu'après leur départ qu'ils
nous rappellent qu'ils étaient là, parmi nous, ignorés dans l'indifférence et
le narcissisme de ceux qui n'en finissent pas de s'en approprier l'histoire
qu'ils n'ont pas faite et l'héritage de ceux qui avaient payé le lourd tribut.
Ces braves qui avaient choisi de vivre dans la simplicité, loin des tentations
corruptrices et hypocritement flatteuses, sont restés hors des circuits de
reproduction du nouvel état d'esprit, cupide, sans pudeur et égoïste sans
limite. Comment ne pas avoir une admiration post-mortem, pour un ancien
officier de l'ALN qui avait porté fièrement, pendant plus d'un demi-siècle, «Mawtini» comme surnom. Celui qui creusa sa tombe de ses
propres mains sous l'œil haineux de l'ennemi qui l'avait cerné dans une
bataille de la guerre de libération. Cet homme est parti discrètement cette
semaine, rejoindre ses frères de combat dont les noms restent gravés dans le
marbre pour avoir abreuvé cette terre de leur sang pur. Il vécut loin du faste
et des tapis rouges à l'écart des démêlés et des coups bas. En ces temps
difficiles, pendant que certains se positionnent dans le starting
block, l'hystérie leur fait perdre la raison et ne se soucient guère du
désastre qu'ils causent en se tapant là où ce n'est pas admissible pour l'image
de ce que furent les sacrifices des Fils de la Toussaint et leur mémoire. A
cause du gâchis, de l'indécence, de l'injustice, des reniements, des
infidélités des uns et des autres, les générations d'aujourd'hui, sont
réfractaires à ce discours, ne nous croient pas quand on évoque la rectitude de
ces hommes et leur loyauté envers le pays qu'ils n'ont pas quitté, et qu'ils
n'ont pas changé pour un autre. Certes, les temps ont changé et l'argent roi
est venu altérer les esprits et corrompre les âmes, mais pas toutes,
heureusement !