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Triste banalité

par Moncef Wafi

Absent depuis quelque quatre mois de la scène publique, le patron du FLN a fait une entrée fracassante à travers des accusations dont il est seul à avoir le secret. Même s'il a été critiqué sur la teneur de ses interventions, Saadani ne semble pas donner trop de crédit à ses détracteurs, lui qu'on dit en mauvaise posture après les attaques de toutes parts dont il a fait l'objet. L'homme, fidèle à sa ligne de conduite, a toujours préféré fuir le combat, faisant le dos rond au plus fort de la tempête, disparaissant même de la vie politique nationale. Sa tactique est rodée, huilée, s'attaquant à tous les adversaires, actés ou pas, de Bouteflika.

Même s'il n'est mandaté par personne et que sa présidence du FLN est constamment remise en cause, Saadani s'arroge le droit de parler au nom du chef de l'Etat et de fustiger ses ennemis, n'hésitant pas à proférer de graves accusations à leur encontre, passibles de poursuites judiciaires. Sa dernière sortie médiatique sera qualifiée d' «ordurière» par Belkhadem, c'est dire le niveau du débat politique en Algérie qui n'a jamais atteint un tel degré de déliquescence, même au plus fort de sa médiocrité, de l'aveu de Benflis qui reconnaissait au débat national une décadence jamais égalée. La sortie de mercredi illustre superbement ce niveau d'intervention politique, heurtant la sensibilité des citoyens, politisés ou non.

Au-delà de ses accusations, fondées ou non, et des menaces proférées à la ronde, le discours de Saadani répond à un seul impératif : exister par la parole. Redoutable tribun, porte-parole officieux d'un pouvoir silencieux, le SG du FLN ne doit sa carrière et sa survie politique qu'à ses nombreuses offres de service et il le sait. Pertinemment. En invectivant l'opposition à tout va et en s'attaquant frontalement à ses représentants, il se place dans la peau d'une vigie de la République au pouvoir. Ceci pour l'emballage, quant au fond de son discours, qui ne change pas d'un iota, il symbolise à lui seul cette banalité consternante des affaires de l'Etat.

Qu'un chef de parti politique accuse ouvertement l'ex-homme fort des services secrets et un ancien chef de gouvernement d'être à la solde d'un pays étranger sans que personne en haut ne réagisse est suffisamment grave pour être relevé. Ou l'Etat n'existe plus ou l'homme n'est plus responsable de ce qu'il débite, et dans les deux cas les Algériens ont besoin d'explications. Saadani n'est malheureusement pas le premier à s'illustrer de la sorte et le paysage politique algérien a déjà eu ses dossiers brandis mais jamais rendus publics, ces menaces de dévoiler les noms des corrompus sans que la justice ne s'intéresse à tout ce beau monde.