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Revoilà le tonton flingueur

par Kharroubi Habib

Quand en début de semaine Amar Saadani réapparut publiquement après une étrange et inexpliquée éclipse ayant duré près de quatre mois durant lesquels ses contestataires au sein du FLN ont fait feu de tout bois contre lui et que des voix hors de celui-ci se sont élevées pour réclamer que ce parti doit être remisé au musée de l'histoire par respect pour la mémoire de ses fondateurs et de ceux qui ont sacrifié leur vie en son nom, les journalistes présents en la circonstance ne lui ont pas caché avoir été déçus par sa prestation car s'attendant à une fracassante riposte de sa part contre les animateurs de la double offensive remettant en cause son autorité sur le FLN.

Saadani leur avait alors fixé un rendez-vous pour le mercredi et à cette occasion ils auront droit à de «saignantes» mises au point. L'inénarrable secrétaire général du FLN n'a pas failli à sa promesse. Ce qu'il a asséné au cours de sa conférence de presse a été en effet plus que «saignant» et a visé deux cibles qui ne sont rien moins que le général en retraite et ex-tout-puissant patron du DRS, Mohamed Mediene alias «Toufik», et son prédécesseur à la tête du FLN et ancien chef de gouvernement, Abdelaziz Belkhadem.

Au premier, Saadani a reproché d'être l'inspirateur et l'instigateur des remous auxquels le FLN est confronté et au second d'être en collusion avec lui. Mais il ne s'est pas tenu à cette seule attaque contre ces deux personnalités. Il a surenchéri en accusant carrément l'ex-patron du DRS d'avoir été derrière les manœuvres de déstabilisation du pays aussi bien à Ghardaïa qu'à In Salah ou ailleurs où il y a eu contestation du pouvoir et Belkhadem d'avoir rejoint le camp des «officiers de la France» dont Mediene aurait été «le fer de lance» et le but de conserver à la France sa tutelle sur l'Algérie.

Saadani n'en est pas à sa première salve contre l'ancien patron du DRS, mais celle de mercredi a été absolument ahurissante car il l'a ni plus ni moins accusé d'avoir été à la solde de l'ex-puissance colonisatrice et au service de son agenda pour l'Algérie. Il ne fait pas l'ombre d'un doute que Saadani pour aussi imprévisible qu'on le pense ne s'est pas aventuré à proférer son accusation sans avoir reçu l'aval du cercle qui a poussé à la sortie le désormais général à la retraite.

La charge menée par Saadani donne à comprendre que ce cercle n'en a pas fini de régler ses comptes avec l'ex-patron du DRS. Pour aussi extravagantes qu'ont pu apparaître les accusations formulées contre lui par Saadani, elles apparaissent avoir été assénées pour donner prétexte à l'ouverture d'une procédure judiciaire censée en établir la vérité ou la fausseté mais en mettant inévitablement en exergue le rôle flou que le DRS sous son autorité est accusé d'avoir joué dans les évènements évoqués par Saadani.

Au-delà du fait que la sortie de Saadani signifie que la guerre des clans du pouvoir n'a pas pris fin avec la mise à la retraite de «Toufik», elle a donné à voir que les ennemis de ce dernier ont retourné contre lui ce dont le DRS, dont il a été si longtemps le puissant patron, a instrumentalisé contre tous ceux qui se sont opposés au pouvoir à savoir les clouer au pilori de la traîtrise et de l'inféodation à des agendas étrangers.