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Le deuxième sexe, le faible
par Ahmed Farrah
On n'en finit pas d'épier la femme. Scruter ses formes.
Fantasmer sur ce que cachent ses oripeaux. S'émerveiller devant sa coquetterie.
S'enivrer de son élégance quand elle éblouit. Les yeux la dévorent. La
dévisagent, au croisement. Lui volent du charme quand elle en dégage. Lui
forcent le sourire quand elle n'en veut pas renvoyer. Femme adulée. Femme
respectée. Femme obéie, Femme cajolée. Femme gâtée. Mais aussi, femme détestée.
Femme détenue dans sa soumission. Femme étouffée dans sa fratrie. Femme écrasée
par le poids des traditions. Femme éreintée par le machisme. Femme ségréguée et
claustrée dans son statut minorant.
C'est tout le paradoxe qu'elle renvoie dans une société
frappée d'hypocrisie et de cécité. En France, elle n'est plus tolérée en
foulard et en burkini. Ce n'est pas son environnent
d'origine. Les différences y deviennent très apparentes. La peur s'y est
installée. Le fossé intercommunautaire se creuse? Le rejet du nouveau arrivé
s'affirme. En Algérie, chez des zélés, on lui ferme les portes des lycées à
cause de ses mèches rebelles lâchées en l'air, ou de la longueur de sa jupe
jugée trop courte. Ailleurs la classe politique et les médias ne cessent de
ressasser en boucle des histoires de burkini. Ici
certains malins, occupant l'espace virtuel, leur renvoient des photos de femmes
voilées ayant réussi leur vie professionnelle et sociale, pour souligner
qu'elles ne sont pas pour autant de débiles analphabètes. Mais rares sont ceux
qui avaient riposté pour dénoncer la stupidité de ces vigiles postés devant les
portiques des lycées et universités et qui auraient empêché les cours à des
jeunes filles libres de s'habiller normalement. Dans ce cas, comme dans
l'autre, la femme est victime de cette humiliation et de ce rabaissement qu'on
lui impose. Elle n'est pas libre d'être elle-même. Portant le voile ou pas,
elle se trouve forcée de sentir le mal-être de sa visibilité dans l'espace public.
Face à ce phénomène qui tend à cacher des regards, un pan entier de la société,
si effectivement cela était vérifié, l'État ne devrait pas tergiverser parce
qu'il est le garant de l'égalité des chances et de la protection des plus
faibles. Saurait-il faire face au populisme misogyne qui limite les libertés
individuelles consacrées dans le droit ? ? En France, le conseil d'État a
tranché pour la liberté de se vêtir dans l'espace public et de porter le burkini. Voici une belle leçon de démocratie pour ceux qui
n'ont jamais compris que la laïcité est la neutralité de l'État dans un pays
multiconfessionnel dans lequel doivent cohabiter les croyants de toutes les
religions, les agnostiques et autres sceptiques ou athéistes.
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