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Le jeu du colin-maillard

par Kamal Guerroua

La colère concurrence la déception dans cette Algérie qui «régresse» à géométrie variable. Le mot n'est pas de trop, sans doute! Un pays qui se dérobe à lui-même, renie se défauts et cache comme on dit la vérité par un tamis, dessinant des traits insaisissables aussi bien à lui-même qu'envers les autres. Le comble, c'est que le pire a fait irruption dans notre actualité avec cette histoire à rebondissements de «taka'chouf» (austérité) dont on sonde mal la portée et l'incertitude semble s'y enraciner pour une durée indéterminée. On dirait que, pieds et mains liés, la nation marche à tâtons dans un couloir mal éclairé, noir. Continuer d'imposer ce mur du silence autour des plans étatiques ne fera que raviver et catalyser les frustrations populaires, une fois le pécule des réserves de changes aura disparu. Or, au bas de l'horizon, quiconque voit les espoirs tourner et retourner dans le vide, avant de tourbillonner et de basculer au-delà des confins de l'absurde. A force d'être trop factuel, le gouvernement de Sellal a négligé le long terme, en succombant à la tentation pathétique de la démagogie. Preuve en est que, même si la médiocrité tient encore sur les sommets, la corruption enregistre des records jusque-là jamais atteints et l'incompétence tisse un écheveau d'errements qui malmènent et empêtrent le destin national dans la boue ; le discours officiel est toujours euphorique, chauviniste et plein de promesses fort probablement irréalisables. Une immense spirale qui absorbe l'énergie déjà affaiblie de l'Algérie et la rive irrémédiablement au sous-développement structurel. Rien n'offre par exemple au petit peuple une lueur d'espoir n'était-ce pour lui dire : «tiens, on a mobilisé tous nos spécialistes, nos élites et cabinets ministériels pour sortir de cette crise». Entre une rentrée sociale très délicate, les frais scolaires des enfants, la fête de l'Aïd qui est à nos portes, le pouvoir d'achat en déclin et une inflation qui ne fait qu'accélérer, le citoyen n'a le choix que de rester dans la tribune comme spectateur de sa constante précarité, sa déchéance. Où va-t-on avec cette cadence ? Qu'est-ce qu'on devrait faire pour éviter la catastrophe ? Sommes-nous capables de remonter la pente? Et puis, de qui se moque-t-on ? L'exécutif semble se distraire de l'imminence de cette anémie économique sans qu'il ose en prendre la mesure, en engageant sérieusement ses troupes et son staff technique sur le terrain. L'épée de Damoclès est pendue sur nos têtes à tous alors que nos ministres se complaisent à donner des recettes sans les procédés. Ils ne parlent jamais à titre d'exemple de 2020, 2025, 2040, etc., de la perspective où le pétrole continue sur la tendance baissière actuelle, de la suite à donner au programme quinquennal de Bouteflika, des débouchés concrets pour les jeunes, etc. L'écran de fumée est trop épais et cache une forêt de problèmes qui attendent les Algériens au tournant. Or, ces officiels-là ne savent-ils pas que communiquer est le fer de lance du changement ? Que les solutions sont dans la concertation ? Et que les citoyens sont sous l'effet de l'angoisse face à cette nouvelle réalité avec laquelle ils ont divorcé depuis au moins 10 ans? Comment expliquer à l'Algérien d'aujourd'hui et le convaincre surtout que d'ici deux ans ou trois peut-être, il y aura des pénuries, des ponctions de salaire, des ouvriers licenciés, etc. ? C'est là où le bât blesse.