La colère
concurrence la déception dans cette Algérie qui «régresse» à géométrie
variable. Le mot n'est pas de trop, sans doute! Un
pays qui se dérobe à lui-même, renie se défauts et cache comme on dit la vérité
par un tamis, dessinant des traits insaisissables aussi bien à lui-même
qu'envers les autres. Le comble, c'est que le pire a fait irruption dans notre
actualité avec cette histoire à rebondissements de «taka'chouf»
(austérité) dont on sonde mal la portée et l'incertitude semble s'y enraciner
pour une durée indéterminée. On dirait que, pieds et mains liés, la nation
marche à tâtons dans un couloir mal éclairé, noir. Continuer d'imposer ce mur
du silence autour des plans étatiques ne fera que raviver et catalyser les
frustrations populaires, une fois le pécule des réserves de changes aura
disparu. Or, au bas de l'horizon, quiconque voit les espoirs tourner et
retourner dans le vide, avant de tourbillonner et de basculer au-delà des
confins de l'absurde. A force d'être trop factuel, le gouvernement de Sellal a négligé le long terme, en succombant à la
tentation pathétique de la démagogie. Preuve en est que, même si la médiocrité
tient encore sur les sommets, la corruption enregistre des records jusque-là
jamais atteints et l'incompétence tisse un écheveau d'errements qui malmènent
et empêtrent le destin national dans la boue ; le discours officiel est
toujours euphorique, chauviniste et plein de promesses fort probablement
irréalisables. Une immense spirale qui absorbe l'énergie déjà affaiblie de
l'Algérie et la rive irrémédiablement au sous-développement structurel. Rien
n'offre par exemple au petit peuple une lueur d'espoir n'était-ce pour lui dire
: «tiens, on a mobilisé tous nos spécialistes, nos élites et cabinets
ministériels pour sortir de cette crise». Entre une rentrée sociale très
délicate, les frais scolaires des enfants, la fête de l'Aïd qui est à nos
portes, le pouvoir d'achat en déclin et une inflation qui ne fait qu'accélérer,
le citoyen n'a le choix que de rester dans la tribune comme spectateur de sa
constante précarité, sa déchéance. Où va-t-on avec cette cadence ? Qu'est-ce
qu'on devrait faire pour éviter la catastrophe ? Sommes-nous capables de
remonter la pente? Et puis, de qui se moque-t-on ?
L'exécutif semble se distraire de l'imminence de cette anémie économique sans
qu'il ose en prendre la mesure, en engageant sérieusement ses troupes et son
staff technique sur le terrain. L'épée de Damoclès est pendue sur nos têtes à
tous alors que nos ministres se complaisent à donner des recettes sans les
procédés. Ils ne parlent jamais à titre d'exemple de 2020, 2025, 2040, etc., de
la perspective où le pétrole continue sur la tendance baissière actuelle, de la
suite à donner au programme quinquennal de Bouteflika, des débouchés concrets
pour les jeunes, etc. L'écran de fumée est trop épais et cache une forêt de
problèmes qui attendent les Algériens au tournant. Or, ces officiels-là ne
savent-ils pas que communiquer est le fer de lance du changement ? Que les
solutions sont dans la concertation ? Et que les citoyens sont sous l'effet de
l'angoisse face à cette nouvelle réalité avec laquelle ils ont divorcé depuis
au moins 10 ans? Comment expliquer à l'Algérien
d'aujourd'hui et le convaincre surtout que d'ici deux ans ou trois peut-être,
il y aura des pénuries, des ponctions de salaire, des ouvriers licenciés, etc.
? C'est là où le bât blesse.