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«Faire le pont» sur le mois d'août

par Abdelkrim Zerzouri

Sacré mois d'août, qui ramène le cycle de l'année à 11 mois. La machine économique toussotant tout au long du cycle, se trouve en ce mois sacré de vacances totalement bloquée. Partout la vie s'arrête. Les administrations se vident de leurs personnels, il y en a ceux qui partent officiellement en congé annuel, et d'autres qui restent pour garder la boutique mais ne font pratiquement aucun travail sérieux. C'est à peine s'ils sont là pour gérer les affaires courantes. ??Revenez au mois de septembre'', c'est la rengaine qu'on entend partout où l'on passe. Les citoyens sont sidérés par cette nonchalante habitude qui veut leur faire sauter un mois de l'année. Au mois d'août, il faut oublier d'aller régler des affaires administratives.

 Oublier d'entreprendre un quelconque investissement. Oublier de faire quoi que ce soit qui nécessite d'autres acteurs intervenants dans le processus. Même en matière d'habitude vestimentaire, il faut oublier de voir des gens correctement accoutrés. Seul le profil décontracté est permis. On se suffit d'un pantacourt, à défaut d'une gandoura, et une «bligha» aux pieds, puis on se met face au courant d'air pour se changer les idées, décompresser d'une longue année laborieuse, quoique pour beaucoup de vacanciers, elle n'aura pas été si laborieuse que ça. Enfin, l'essentiel pour ce beau monde, c'est de fuir l'autre, cet administré qui ne s'arrête pas de rechigner sur son sort, et qu'on ira rencontrer, pourtant, dans d'autres endroits inconnus, dans ses nouveaux habits, lui aussi. Août, c'est un fou mélange de la foule. Le 8e mois de l'année ne respecte aucune norme sur le triple plan social, économique et politique. C'est le mois ??zéro'' en matière de rendement, le mois où les différences sociales s'effacent par la magie des ??petites'' tenues qui ne se différencient que par les couleurs, sur les plages, le mois où la règle de la fainéantise respectée hiver, printemps et automne, trouve là toute sa suprématie. Et, en règle politique, c'est carrément le mois de la plongée dans les profondeurs de la léthargie. Hormis quelques signes, trompeurs, qui laissent croire qu'il y a une vie politique hors des rendez-vous électoraux, aucun parti ne donne de réels signes de vie. Bien sûr, le mois d'août, partout à travers la planète, a ses propres particularités par rapport aux autres mois de l'année, mais le mois d'août algérien est si particulier avec son overdose.

 C'est l'excès de vacances qui tue le goût de détente au mois d'août. D'ailleurs, il y en a beaucoup qui préfèrent différer leur congé de détente, soit avant ou après ce mois, pour éviter la bousculade sur les routes, sur les plages et dans les rues. Certains petits malins ne décrochent pas au mois d'août, préférant rester sur place et tirer avantage de la berceuse des quatre vents, parce que le travail marche au ralenti et qu'il n'y a presque plus de responsables pour contrôler les entrées et sorties du personnel. Août, pour ces derniers, c'est la liberté de l'esquive. Faire le pont sur le mois d'août est une chose souhaitable. Vivement septembre, même s'il charrie dans son sillage d'autres soucis.