En
ces veillées ramadanesques, la médiocrité des programmes de télévision proposés
est à l'image de l'avancée du désert culturel qui efface toute trace artistique
digne des grands noms de personnages talentueux qui ont fait l'âge d'or du
théâtre, du cinéma et de la chanson dans un contexte qui ne fut pas propice.
Avec des moyens dérisoires, mais avec beaucoup de volontés et d'engagement, des
artistes et des comédiens ont fait le bonheur des Algériens pendant la période
coloniale et les années qui ont suivi le recouvrement de l'indépendance. La
production cinématographique s'est d'abord inspirée de la guerre de libération
et s'est distinguée dans de nombreux festivals internationaux, avant de se
pencher sur les problèmes sociétaux. De magnifiques longs-métrages restent
encore très bien accueillis quand ils sont rediffusés, à l'exemple des films :
« Les vacances de l'inspecteur Tahar ? Carnaval fi Dechera ? Le Clandestin? ».
Les sketchs de Boubagra, Rouiched, Kaci Tizi-Ouzou, Krikech, Djaâfar Bek, des
frères Hilmi, Nouria, Hamza, Ouardia?, des chefs-d'œuvre du rire et du
divertissement intelligent loin des débilités déversées par la plupart des
chaînes satellitaires, aujourd'hui. Le téléspectateur perdu dans ce torrent
d'images ne fait que zapper d'une chaîne à une autre pour trouver ce qui peut
le capter, souvent, il décroche et se branche sur des chaînes étrangères
diffusées par le « Nil satellitaire ». Ces chaînes encore plus médiocres mais
synchronisées avec la tendance du repli sur soi, du repli identitaire et
communautariste de la majorité des peuples de la région, ne font qu'accentuer
le fossé entre un passé difficile mais paisible, tolérant, solidaire et
ambitieux, et un présent qui affiche l'arrogance matérielle et le tarissement
des valeurs humaines et sociales. La culture et l'art sont aussi devenus des
produits marchands abrutissants qui visent les masses et l'audimat. Baisser le
niveau pour se mettre à la hauteur des petits cerveaux, est la stratégie
mercantile développée et pratiquée. Le service public censé corriger ces
incohérences et proposer des produits de qualité selon les tranches d'âge et
les plages horaires, semble oublier la mission qui lui aurait été destinée. A
quoi bon avoir cinq chaînes en une grille de programmes, prendre tous les
Algériens pour des imbéciles, ne fera que jeter certains dans les bras de ceux
qui les décervellent pour en faire des zombies « au sens propre des
informaticiens » pour les utiliser au moment opportun. D'autres, des
intellectuels, ont déjà coupé les ponts avec la culture de la pensée unique,
n'ont que le corps ici, la tête est ailleurs, en Occident et le cœur ballote et
vacille d'une rive à l'autre, ils aiment leur pays mais détestent ce qu'il en
est advenu. Situation très dangereuse qui n'est pas pour rendre réelle la
cohésion sociale d'un peuple déjà ressenti pluriel.