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Le volcan social

par El Yazid Dib

Ghardaïa est en pause. Les mesures semblent tenir. Le carême est finissant. La Constitution toujours en cuisine. Et puis ?

Quand l'illusion se pointe aux issues d'une société, il ne reste à l'espoir que de s'endormir sur les bords d'un volcan silencieux attendant une éruption et ses coulées de lave. Sans nom, sans degré, cet état de déperdition de repères provoque des phénomènes tellement connus qu'il ne réagit par surprise générale qu'à l'occasion de pressions politiques, de fusions populaires. C'est dans son cratère, conçu comme un salon restreint, que repose toute l'intelligence qui fait les pour et les contre de l'éruption. Il nous suffit en somme de bien regarder l'état économique de nos élus, de visionner lentement le planning de nos dirigeants et d'écouter régulièrement les râlements de nos cadres pour qu'on puisse se dire en face et avec courage des vérités pas bonnes d'être des vérités à dire.

Quand la démission face à la débandade est ressentie comme une désertion et la réunion face à l'aridité des barrages est considérée comme une solution, il ne reste au pauvre citoyen que de souhaiter l'endurance de cet état avec un approfondissement dans le mécanisme de l'abrutissement social et une haute technologie dans le broyeur de bonnes et rares volontés. La période constante du cyclone n'a été qu'un ralentissement des activités intellectuelles et motrices dans le plan de la relance économique et une dépression au-dessous d'un niveau zéro dans la bonne gouvernance. Le choix est loin d'être une vocation. L'on laisse un logiciel intelligent mais inhumain et insensible gérer à son bon vouloir la vocation. L'économie algérienne?

L'étudiant n'est plus de la sorte un capital de savoir indépendant. Il est rapetissé à une unité statistique devant servir les cases d'un état d'inscription pour une année universitaire qui ne commence en fait jamais. Le recteur censé être le dépositaire d'une autorité scientifique est devenu, lui aussi, un administrateur de bons de commande, de jardinage et organisateur de galas et de fêtes. Une grève de faux étudiants peut paralyser toute une science. Paradoxe des temps.

Le mal on le décrit chacun suivant son temps et chacun selon sa douleur. Il est là devant nous, nous nous y habituons. La mal-vie aussi. Sinon, comment expliquerons-nous ces multiples crises qui gangrènent l'ensemble de la société ? Personne n'est bien au moment où tout le monde se complaît dans la compromission. De quelle manière compterons-nous résoudre l'inégalité, la revendication ou l'angoisse générale ? Etre assis sur un volcan escamoté de verdure et tapi d'aisance végétale, y végéter ou y paître semblerait se contenir dans un éden. Mais le magma qui fait bouillonner les couches inférieures est aussi à prendre en étude. Un volcan est presque comme une dévotion, telle une révolution, il ne vient que soudainement et par surprise.