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Le musée de Ouali

par El Yazid Dib

Les concepts sont visqueux quand il s'agit de discours politiques. Ils le sont moins quand ils passent à la réalité. Chaque responsable tient à avoir dans son discours un propos axial sur lequel va se reposer tout un programme. Ouali, quand il parle des ouvrages de son secteur, il le fait dans le seul souci d'abord de devoir entretenir ceux qui existent. Les sauver de la dépravation temporelle et les mettre au bon profit. Il n'omet pas d'exprimer les égards à ceux qui les ont réalisés.

C'est l'adaptation managériale aux exigences du moment et aux besoins du secteur qui doit caractériser une grande partie de nos hauts agents de l'Etat. C'est le taux de couverture, la rationalisation du projet, la mise à profit au citoyen du bien-être social qui conditionnent l'utilité et la vocation finale d'une opération effectuée par l'effort national de l'Etat. Cette trompe de gestionnaires ne s'agite pas. Elle garde la tête froide au moment où toutes les têtes s'échauffent. C'est aussi dans l'enchevêtrement des routes et l'embarras des carrefours que le génie s'éclot et réfléchit ses lueurs sur les asphaltes mal couchés.

Les travaux publics sont les ponts et les chaussées. La communication dans le sens le plus grégaire. Sans routes, la vie se vivra à des distances et aura beaucoup d'espace pour ne pas tenir la route. L'on commence à faire de la compréhension des autres une adhésion. Tant que gérer n'est pas pouvoir gueuler ou savoir faire la gueule, la gouvernance reste cette élégance dans le verbe, dans l'idée. Encore loin d'imposer son avis décoloré et trop administratif, le plus souvent obsolète et irradié par la nouveauté et la technologie urbaine. Le nouveau ministre des Travaux publics sait marcher comme tout autre sur une chaussée mais sait aussi le comment la fabrique-t-on. Son essentiel n'est pas dans la longueur linéaire, ni dans la luminosité de ses cataphotes. Il sait que l'instrument stratégique de planification spatiale et sa mise en œuvre permettra de corriger les déséquilibres entre territoires et permettra aussi d'atténuer les retards de développement. Son secteur dessine le relief, le remue et le met à disposition. Il fut l'un de ceux qui avaient alors façonné un tant soit peu la fonction préfectorale républicaine. Il est courtois dans cette dimension fortement humble qui n'amoindrit point sa carrure d'homme d'Etat, encore moins sa conviction personnelle et son algérianité de citoyen simple et affable. L'histoire a retenu qu'à travers ses différents cheminements, une œuvre d'intérêt public dans le sens de Ouali ne peut se confiner dans l'ouverture d'un chantier, la réalisation d'un ouvrage ou de sa réception. Une œuvre pour lui, nous disait-il un jour, «n'est qu'un recommencement itératif et perpétuel d'une autre».

La voirie, les ouvrages d'art, les travaux neufs, les fossés, les cunettes sont toujours là tels des certificats garantissant le labeur d'hommes, de génie et de maîtrise, un peu éperdus certes mais encore debout. Il fut un temps où les bouilles de goudron, les rouleaux tractés à cheval, les fraises et les modestes et manuels outils ont été derrière les belles routes et les splendides viaducs. Lieu de mémoire et de reconnaissance, le musée prôné par Ouali vient à point utile où l'amnésie gagne du terrain de jour en jour. Une façon de pérenniser l'honneur des pionniers des ponts et chaussées. Ce sont des Algériens, nos aïeux les indigènes qui ont fait l'Algérie. Il sera un potentiel pédagogique.