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La cigale algérienne

par Moncef Wafi

Qu'ils sont durs les chiffres de la Banque d'Algérie. Implacables, froids et qui poussent à la réflexion. Loin de constituer une surprise, la note de l'institution monétaire sur les tendances financières et monétaires au premier trimestre 2015 interpelle par l'ampleur du déficit budgétaire et renseigne sur la vulnérabilité de l'économie algérienne tributaire d'un seul secteur. Elle met également sous la lumière la vitesse à laquelle les économies du pays sont entamées perdant 20 milliards de dollars en un peu plus d'une année.

On entrevoit aisément la crise à travers l'ornière de ces chiffres qui augurent d'une période trouble et difficile pour les Algériens malgré l'assurance, quelque part, de la Banque d'Algérie sur le niveau actuel des réserves de change consolidé par la très faible dette extérieure. En deux mois, jusque-là tout va bien, mais en absence d'un redressement des prix du baril du pétrole et d'une politique économique cohérente, loin des opérations de bricolage menées à la hussarde avant de faire marche arrière, il est temps de tirer la sonnette d'alarme. L'opposition l'a fait, Ouyahia, lui, n'a pas caché la vérité aux Algériens mais le temps des constats doit être révolu et priorité aux actions concrètes, réfléchies sans sacrifier le citoyen.

L'élargissement du déficit budgétaire et l'érosion des ressources du Fonds de régulation des recettes s'inscrivent en droite ligne des conséquences de l'affaissement des prix du pétrole sur les marchés mondiaux, perdant en une année près de 55 dollars au baril. Des chiffres qui convoquent aussi les dossiers de la relance de l'économie nationale hors hydrocarbures évoquée et brandie comme un trophée de guerre par des ministres qui ont montré leurs limites dans les dossiers importants. Cette diversification de l'économie à l'exportation, bloquée par ces mêmes ministres qui la revendiquent.

L'Algérie a plus que besoin de prendre exemple sur les expériences qui ont réussi à s'émanciper des recettes pétrolières à l'image des Emirats arabes unis qui ont fait savoir que la chute du baril ne constitue pas une catastrophe pour le pays «dont les revenus pétroliers ne constituent que 30% du PIB national», dixit son ministre de l'Energie. Les Emirats, au contraire de l'Algérie, ont savamment orchestré leur politique économique pour ne plus dépendre uniquement de l'or noir. Une stratégie à long terme qui leur permet, aujourd'hui, de composer avec cette crise en prenant assez de recul puisque s'étant émancipée des fluctuations du marché pétrolier.