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h 00, quelque part perché sur le haut-plat du pays continent, 40° à l'ombre,
loin de la mer. Le ciel est de plomb, lourd sur les rares têtes qui osent le
défier. Les rues désertées par les chats, laissées aux amoncellements des
ordures qui shlinguent les vapeurs invisibles mais étouffant les alvéoles des
poumons. Les trottoirs esseulés et fumant la chaleur qui sort de leurs
interstices font de leur solitude une tristesse compatissante. L'asphalte de la
chaussée fond et noircit les traces derrière les roues des quelques voitures
qui passent. Les conducteurs, barricadés dans leurs sièges, les vitres fermées,
la soufflerie de l'air conditionné à son maximum, filent en trombe de peur
d'être rattrapés par la fournaise qu'ils transpercent. Les magasins et les
boutiques sont méconnus, tous se ressemblent, leurs rideaux baissés et leurs
enseignes aveuglées par le soleil vif et brûlant, sous les marquises qui ne les
protègent plus. L'ombre se perd, elle n'est ni devant ni derrière et non plus
sur les flancs, elle est cachée sous la semelle. Les arbres figés à leurs
troncs, leurs feuilles, d'un vert maussade, paraissent sèches, peinées et
résignées à leur sort. Elles ne bougent pas, pas un brin d'air. Les oiseaux ont
migré vers des horizons cléments, ils se foutent des frontières, des visas et
des passeports, ils prennent instinctivement leur étoile, battent les ailes et
tracent le cap vers la région de leur destination, pour un long voyage avec ou
sans escale. Les quelques cigognes attachées à leurs nids de bois et de
brindilles caracolant aux sommets des minarets et des poteaux électriques, ne
sont pas parties, elles restent affronter la dure nature. Trop vieilles et sans
force peut-être pour risquer l'aventure. Les toits des maisons se dressent
comme des boucliers dirigés vers la canicule et s'exposent à l'insolation. Les
nouveaux quartiers lugubres, de briques rouges sans crépi, s'étalent jusqu'aux
mirages bouillonnants qui surgissent de loin aux assoiffés déshydratés, perdus
dans l'infinité du désert. Les paysages ocres et désolés ceinturent le patelin
pommé, loin de la moiteur des rivages humides. En rase campagne, tout est jaune
d'épis non fauchés et de paille écrasée après les moissons de céréales. Le
thermomètre fait le tyrolien et semble ne plus s'arrêter, il monte vers le haut
pour étuver la vie et l'enfourne dans la fournaise de l'au-delà, des jours
interminables de supplice en plein ramadhan. Ailleurs, dans les pays qui ne
laissent pas des enfants démunis livrés à eux-mêmes, dans le monde impitoyable
de la violence, de la délinquance et du vagabondage, pendant les vacances
scolaires les écoles sont transformées en centres aérés, de chantiers culturels
et d'ateliers de loisirs, pour accueillir les enfants des quartiers, encadrés
par des auxiliaires spécialisés de l'animation culturelle (théâtre, musique,
peinture, jeux, travaux manuels, sport, piscine?). Les résidences
universitaires deviennent des gîtes pour les étudiants des autres villes et des
autres pays, qui viennent changer de cadre de vie, connaître d'autres lieux et
d'autres gens. Ce n'est pas une chose impossible à réaliser, si les volontés
des responsables y sont conjuguées, une simple convention entre le ministère de
la Jeuneuse et ceux de l'Education, de l'Enseignement supérieur et celui de la
Solidarité peut rendre heureux des millions de jeunes enfants et de jeunes
hommes, leur permettre de passer une semaine ou deux, de vacances dans une
ville qu'ils choisissent, et s'occuper dans des actions enrichissantes et
épanouissantes, loin de la passivité et de l'oisiveté qui tuent la vie dans ses
fins fonds de la mort à petit feu. Ces initiatives rendent aux jeunes leur
estime de soi et la fierté pour leur pays et le lui rendront bien.
La
dernière décision du Premier ministre, relative à l'ouverture de colonies de
vacances pour les enfants du Sud et des Hauts-Plateaux, est intéressante mais
pas suffisante pour toucher un maximum de jeunes. Oser ouvrir toute l'Algérie
pour que tous ses enfants puissent découvrir ses dunes, ses regs, ses oasis,
son Hoggar, son Tassili, ses vestiges et monuments archéologiques, ses musées,
ses grottes, ses plages, ses champs et ses terres cultivables, sa campagne, ses
villes et leur histoire? L'expérience du mouvement scout est plus qu'indispensable,
pour guider, encadrer les caravanes de jeunesse, cela peut paraître ringard,
mais la mode rétro et le vintage sont là pour nous rappeler qu'on peut toujours
faire un clin d'œil au passé, toujours disponible.