Fekir a-t-il trahi son pays ? Non, puisque, selon Deschamps
et Aulas, il est Français bleu, blanc, rouge et c'est tout naturellement qu'il
a opté pour le maillot de Zidane. Oui, d'après les nostalgiques de Mekhloufi et
Zitouni parce que sa race est de l'autre côté de la Méditerranée, sous nos
pieds. Mérite-t-il pour autant toute cette littérature sur son choix de valider
un passeport ? Le problème de Fekir est aussi usé que l'éventail qui nous a
ramené la France pour 132 ans de colonialisme et l'évoquer ainsi, en le sortant
du contexte historique qui lie les deux pays, serait se mettre hors-jeu, pour
rester dans la thématique de la chronique du jour. Le cas Fekir n'est pas
sportif, il est tout sauf sportif puisque l'Algérie ne savait même pas qu'il
aurait pu être Algérien, le découvrant sur «Canal +» à travers les matches
retransmis de l'OL. Fekir n'est pas à blâmer s'il a choisi de porter les
couleurs du pays où il est né, où il a grandi, dont il parle la langue même si
ce pays-là n'est pas vraiment fait pour lui ni pour ses semblables. Fekir n'a
pas de passif avec l'Algérie, lui qui n'a jamais posé ses fesses sur les bancs
de l'école de Benbouzid, qui ne s'est pas fait soigner gratuitement dans nos
hôpitaux encore moins bénéficié d'un prêt Ansej. Préférer chanter la
Marseillaise, même en faisant semblant de bouger les lèvres, est son droit le
plus légitime. Fekir n'est ni à blâmer ni à consoler et s'il a fait le choix
d'une carrière sportive, il ne sera jamais Français pure souche, comme ils
disent là-bas. Il y aura toujours un Le Pen pour se désoler qu'il y ait trop
d'Arabes et de noirs dans l'équipe et les directions techniques françaises
continueront de parler de quotas. Fekir, lui, n'est pas ministre ni chef de
parti ni un responsable haut placé, il est tout simplement un footballeur. Son
choix n'est préjudiciable pour personne, sauf pour lui-même si ça se trouve,
mais quand on a la responsabilité de diriger un pan du pays, là le problème
devient sérieux. Combien de ministres algériens détiennent la double
nationalité, la résidence et les services rendus ? On a évoqué un chiffre qui
fait peur car avoir 500 ministres parmi les 700 qui ont occupé des fonctions
importantes au sommet de l'Etat et préféré s'installer à l'étranger est
carrément flippant. Eux, ils sont allés à l'école de Benbouzid, étudié dans les
facs algériennes, pour les soins, il faut vérifier, ils ont été payés par
l'argent de notre pétrole, ils ont envoyé leurs femmes se faire manucurer à Paris
et leurs enfants bronzer sur les plages espagnoles. Si Fekir a le droit d'être
Français, eux, ils doivent rendre des comptes. Même si ces statistiques ont été
sujettes à controverse lorsqu'elles ont été rendues publiques, il n'en demeure
pas moins que la double nationalité est une deuxième peau qu'on revêt au pied
de l'avion pour ne pas faire la queue avec nous devant les guichets d'entrée
pour la France. Un passeport qu'on exhibe pour dire qu'on est aussi Français
que Fekir, un peu plus si on nous le permet. Avoir une double nationalité est
devenu, dans leur bouche, un gage de sécurité au cas où le pays commence à se
cannibaliser. Seulement au cas où.