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Le silence général

par El Yazid Dib

Il est très significatif ce mutisme général. Ce silence partagé à l'égard des politiques de façade que l'on s'évertue, contre vents et marées, à vouloir rendre réelles et plus touchables que les faux-fuyants qui les meuvent. Le cri d'In Salah, les effluves nauséabonds non encore arrachés d'un gaz controversé, ne vont pas suppléer la stabilité des gènes atrabilaires. L'explosion est à quelques pas de la colère que l'on ne peut, continuellement, savoir étouffer.

Dans le monde du réel et en dehors de tout acte eurythmique et mélodieux la chute est dramatique et périlleuse. Quand l'art n'est plus une politique de nuances, la politique devient, hélas, une technique raccommodée, altérée et ronflante. L'appel référentiel aux réformes sempiternelles, les clairons des programmes de relance économique, leur coupe à ras, la fausse vente de la sérénité et autres carillons finiront, tous, par avoir une voix inaudible. Ainsi le bruit que l'on n'entend pas n'est forcément pas un silence.

L'excitation sonore s'estompe, finalement, au bout de l'effort du cornemuseur. Le souffle que poussent les poumons essoufflés du système, à son tour s'amenuisera, au fur et à mesure des requêtes persistantes, telle un bidon qui craque et se cogne au fond d'un puits sec.

L'aveuglement superficiel en plus du travail de sape, de compromission et d'infidèles amours populaires ou syndicales sont supplantés par celui, si ce n'est des catastrophes humaines, de ceux qui sourient sous cape, font le clin d'œil ou froncent les sourcils. En l'état, la nature systémique du régime, malgré la défunte clémence financière, restera, toujours, indomptable et capricieuse. C'est ce grand silence qui provient des entrailles de la représentativité au même moment où c'est de son exclusivité de titrer les cordes de toutes les sonneries qui est le plus assourdissant. Un député est une main levée et non une parole responsable. Un élu local est figé dans un siège et un vote et non plus dans une proximité ou une courroie. La chaîne est, ainsi, par ce silence, silencieusement brisée. La confiance démantelée.

La fantaisie toute changeante de la météo qui se concocte dans les hauteurs personnelles, ne peut-elle aussi laisser, sans surprise, le débarquement imprévu des ouragans et des rafales colériques. Car la vie n'est qu'un tourbillon et un simple bulletin de climat, le plus souvent versatile et paradoxal. On ne peut y mettre que les bonnes choses. Il s'agit d'un autre ressort. D'une autre attribution inaccessible.

Une politique presque clandestine ou à fortiori contrefaite, qui ne se relie pas aux vérités sociales de bonnes intentions, est, viscéralement, mise sous détecteur de mensonges. L'intention, étant par quintessence d'ordre aumônier, n'est pas un acte de gestion ou de gouvernement. Si le discours soutenu n'était pas de quelque manière empreint de brouille et de promesses, la vie serait telle une vérité visible à travers des prismes de lunetterie. Tous les jours, la réalité et la quotidienneté battent, une a une, les cartes du jeu. La partie est en voie de se finir dans un brouhaha malvenu, malgré un silence généralisé.