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Gaz de schiste, l'énergie qui divise

par Yazid Alilat

Ce qui se passe actuellement dans l'extrême sud du pays commence à devenir préoccupant. L'envoi du premier responsable de la Police nationale à In Salah dimanche, officiellement pour une visite d'inspection, n'est pas fortuit. Ni gratuit. Dans cette ville de l'extrême sud du pays, à quelque 1200 km au sud d'Alger, une colère sourde anime ses habitants et ceux d'autres régions du Sahara. Depuis maintenant une vingtaine de jours, ils réclament un moratoire, à l'appui de manifestations qui sont entrées dans la durée, sur le gaz de schiste. Tout simplement un moratoire sur cette énergie non conventionnelle qui, selon eux, hypothèque l'avenir des populations du sud du pays.

Jusqu'à présent, tous ceux qui ont été dépêchés en démineurs d'une réelle ?'protesta'' qui puise son ?'énergie'' des peurs, réelles ou infondées, de lendemains incertains pour ces populations, n'ont pu convaincre. La présence à In Salah du général major Abdelghani Hamel, ville d'où est né le mouvement de contestation de l'exploitation du gaz de schiste puis sa propagation vers les autres cités du sud du pays, interpelle plus d'un sur les vrais motifs de cette présence. Car il a bien discuté avec des représentants du mouvement qui lui ont exposé leurs revendications relatives à l'exploitation du gaz de schiste. Emissaire ou pas, le patron de la Police nationale a, en quelque sorte, représenté les plus hautes autorités du pays dans cette réunion avec les représentants des populations locales qui réclament juste un moratoire sur cette énergie non conventionnelle.

Le danger d'un pourrissement de la situation dans les villes de l'extrême sud, à Tamanrasset, In Salah, El Ménéa, Adrar, ne travaille aucune partie. Mieux, le silence incompréhensible des autorités, hormis les sorties médiatiques ?'pro-gaz de schiste'' mal préparées de quelques responsables, dont celle à la radio du PDG de Sonatrach, et le déplacement à In Salah de Youcef Yousfi, est de nature à renforcer la position des anti-gaz de schiste. Il est patent de constater que dans cette attitude contre les «Tiet gas», on retrouve une position unifiée, sinon commune de toutes les populations des villes de l'extrême Sud.

A In Salah où se côtoient dans une parfaite harmonie Arabes et Touareg, à Tamanrasset et d'autres régions de cette partie de l'Algérie, il est tout à fait remarquable de relever cette similitude des idées et leur défense, ce qui n'est pas le cas dans la vallée du M'zab.

Le fait est que cette négligence, ce manque d'intérêt à installer un vrai débat avec les populations de l'extrême sud du pays, qui vivent paradoxalement là où est tiré l'essentiel de la production de gaz et de pétrole du pays, est de nature à provoquer une fracture irrémédiable entre le Nord et le Sud. Déjà, la situation sur le front social, avec un chômage endémique dans les wilayas d'Ouargla, Ghardaïa, Tamanrasset, Adrar, est délicate, difficile pour tout le monde.

Certes, le gouvernement fait ce qu'il peut pour que les jeunes de ces régions trouvent du travail, en particulier dans les sociétés pétrolières. Mais, ce n'est pas évident, car l'intégration dans ces sociétés pétrolières appelle un certain savoir-faire, une technicité que les jeunes du Sud n'ont pas, et donc ils accèdent difficilement à des postes de travail. Situation kafkaïenne donc, mais qui ne prémunit pas le gouvernement d'une réelle menace d'implosion sociale dans le Sud, si des solutions urgentes ne sont pas trouvées. Gaz de schiste ou chômage et mal-vie, peu importe le détonateur.