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Dérive économique

par Mahrez Ilies

La crise économique mondiale, n'en déplaise à ceux qui disent le contraire, touche de plein fouet les Algériens. Et leur (frêle) porte-monnaie. Le taux d'inflation est monté en flèche depuis le début de l'année, un renchérissement épouvantable et intolérable des prix des légumes frais et des produits agricoles. C'est un véritable raz-de-marée qui a emporté toute la filière alimentaire, depuis la tomate à la sardine. Les derniers chiffres de l'ONS établissaient une hausse de l'inflation à 4,7% entre février 2008 et février 2009, en attendant les chiffres pour le mois de mars 2009. Mais, l'office avait publié ses constats chiffrés sur la baisse inexorable et exponentielle du niveau de vie des Algériens lorsque la pomme de terre était cédée dans les marchés au détail à 25-35 dinars.

Aujourd'hui, elle a passé le seuil psychologique des 90 dinars/kg, un niveau qui demande des explications autrement plus raisonnables que celles que nous ont données jusqu'à présent ceux qui gèrent le secteur, de l'agriculture ou du commerce. Comment, diantre, arrive-t-on à justifier des hausses incompréhensibles, insensées d'un produit que l'Algérie exporte, même jusqu'à présent ? Est-on à ce point à côté «de son sujet» pour servir de plates explications, ou est-on vraiment incapable de trouver une solution durable, et «économiquement raisonnée» pour dompter une spirale de prix qui, en fait, n'obéit à aucune logique commerciale ? En réalité, il n'y a pas d'explication logique, selon notre point de vue, tant les prix jouent au yo-yo depuis des années, montent et descendent au gré des circonstances, malgré les interventions sporadiques et illogiques de l'Etat qui tente de régler un problème, parce qu'il est dépassé, par un autre en recourant à l'importation massive. Comme si acheter en masse sur le marché international est une solution économiquement raisonnable face à la prédation commerciale qui s'est installée pour longtemps dans le fonctionnement des structures internes de l'économie nationale. Il n'y a ni période de soudure, ni production d'arrière-saison, ni produits du Sud quand on évoque la montée en flèche des prix de la pomme de terre ou de la sardine. Soit. Il faut attendre l'arrivée de la pomme de terre de saison, mais comment explique-t-on alors que le prix de la sardine ne descend plus, depuis le début de l'année, des 300 DA/kg ? Non, il n'y a pas d'exception, la sphère commerciale algérienne s'est détraquée, à tel point que les responsables concernés ne trouvent pas mieux à servir comme explication que nous sommes dans une économie de marché, et que les prix obéissent à la loi de l'offre et la demande. Ils n'obéissent qu'à la loi de la prédation, oui ! Avec une facture alimentaire qui a dépassé les 40 milliards de dollars en 2008, peut-on, logiquement, s'attendre à des prix bas pour les produits qu'on a achetés en devises ? Non. Bien sûr. Sauf à considérer que l'économie nationale fonctionne sans pilote, ni, plus grave encore, sans politique cohérente qui établisse pour au moins la durée du plan de relance nationale les grands équilibres macro-économiques. Là, actuellement, nous assistons, malgré nous, à une dérive économique tous azimuts. Sans être des oiseaux de mauvais augure, il y a des explications sur une dérive commerciale et économique qui passent mal auprès de celui qui se fait brûler les poches chaque fin de semaine en revenant du marché du coin.

En 2008, les réserves de change avaient culminé à plus de 150 milliards de dollars, la dette extérieure a été réduite à presque rien, l'Algérie est devenue un pays économiquement solvable avec des recettes d'hydrocarbures de plus de 60 milliards de dollars. Pour autant, les responsables du commerce, de l'agriculture et de l'économie en général n'arrivent pas à nous fournir une pomme de terre à moins de 90 dinars/kg, de la laitue à moins de 70 DA/kg ou de la sardine à 25 DA/kg. Triste.