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L'homme qu'il faut...

par K. Selim

Le Premier ministre danois Anders Fogh Rasmussen sera le prochain secrétaire général de l'Otan. Les Turcs s'y opposaient, avant de céder en avançant qu'ils auraient obtenu gain de cause.

 En réalité, il faut se féliciter que les Turcs n'aient pas réussi à empêcher l'arrivée à la tête de l'Otan d'un homme qui a été au coeur de la grande mise en scène mystificatrice de la guerre des civilisations que fut l'affaire des caricatures du Prophète. Rien d'accidentel dans l'arrivée à la tête d'une alliance militaire agressive d'un homme qui, en novembre dernier, accusait les pays producteurs de pétrole du Proche-Orient de comploter pour « acheter nos entreprises » et « d'user et d'abuser de l'arme pétrolière dans leur politique étrangère et de sécurité ».

M. Fogh Rasmussen est une incarnation parfaite de l'esprit d'une organisation qui considère que la sécurité de l'Occident et sa suprématie face aux puissances émergentes dépendent de la prise de contrôle de ces fameuses ressources énergétiques qui mettent en émoi le sieur Rasmussen. Il est bien à sa place, M. Fogh Rasmussen, et il faut souhaiter qu'il soit aussi franc dans ses propos de secrétaire général de l'Otan qu'il l'a été en tant que Premier ministre danois.

Si les Turcs avaient réussi à l'empêcher de parvenir à la tête de l'Otan, ils auraient contribué à brouiller l'image d'une organisation qui, pour des raisons terre-à-terre, considère que la menace est en terre d'Islam. Tant mieux donc qu'ils aient échoué. Avec M. Rasmussen, cela dispense de faire beaucoup d'effort pour expliquer que l'Otan n'est pas une organisation caritative, mais un pacte militaire historiquement hostile au mouvement de libération nationale.

Ces ennemis d'aujourd'hui qui sont-ils ? Autant citer la diatribe du sympathique Premier ministre danois telle que rapportée par une agence de presse. « Nous nous battrons pour libérer le monde libre en diminuant notre dépendance au pétrole et au gaz. Nous augmenterons notre sécurité en diminuant les transferts (de fonds) vers ceux qui menacent notre liberté » (...). Il a fait remarquer que la Russie, l'Arabie Saoudite, l'Iran et le Venezuela étaient parmi les principaux exportateurs de pétrole. «Réfléchissez à cela et demandez-vous si ceux-là sont nos plus proches alliés dans la lutte pour la liberté et la démocratie». Alléluia !

Il faut souhaiter que M. Rasmussen reste fidèle à lui-même et qu'il ne se mette pas à changer subitement de discours. Une franche détestation, c'est quand même mieux qu'un discours sur la grandeur du dialogue des civilisations. Cela devrait aussi aider à déciller les yeux de ceux qui sont prêts à céder à ce que M. Abdelhamid Mehri a appelé les «sollicitations douteuses». Difficile pour lui d'oublier que l'Otan a apporté sa contribution à la guerre coloniale. Mais surtout, il faudrait être aveugle pour ne pas constater avec lui que rien n'indique que «sa nature et sa politique ont changé par rapport à ce qu'elles étaient dans le passé».

Bienvenue donc au rictus du Premier ministre danois. C'est l'homme qu'il faut à la place qu'il faut...