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Sonder le partenariat

par Abdelkrim Zerzouri

Réveil tardif des céréaliers français à la suite de la perte du marché algérien, ou est-il encore temps de remonter la pente ? Lors d'une journée d'études organisée, le 20 mars dernier, à Paris, par l'interprofession française (Intercéréales France) sur le thème « La filière céréalière française face à la menace russe », les professionnels du secteur, qui ont assisté en force à cette rencontre, ont regardé en face la menace qui pèse sur leurs récoltes à la suite de l'ouverture du marché européen aux céréales ukrainiennes et, surtout, la « menace russe », vue comme « le facteur numéro un distorsif des marchés ! », selon l'expression d'un responsable professionnel.

« La Russie a réussi à évincer la France des marchés de l'export (Indonésie, Maroc, Égypte, Chine, etc.) en bombardant ses ports sur la mer Noire tout en donnant à ses propres échanges commerciaux une connotation géopolitique », estime-t-on.

Alors que sur la scène internationale, les responsables et les analystes français font constater que « la Russie privilégie ses relations diplomatiques et commerciales avec la centaine de pays qui n'a pas pris de sanctions à son égard lorsqu'elle est entrée en guerre contre l'Ukraine, à l'enseigne de Dubaï, qui est ainsi devenu la plaque tournante du commerce mondial de nombreux produits russes, dont les céréales font partie ». Plus critique à l'égard de la Russie, le même regard est porté sur « ses pratiques commerciales très opaques et risquées (prix bradés, absence de garanties de dettes de crédit) ». La Russie est devenue le seul partenaire commercial de l'Égypte -qui s'approvisionnait en partie en Ukraine avant la guerre- et de la Tunisie qui achète toujours le blé le moins cher, et d'une manière générale, «en Afrique, la Russie ne ménage aucun effort pour faire sortir la France de ses marchés», a affirmé Yann Lebeau, responsable du Bureau France Export d'Intercéréales. C'est de l'Algérie qu'il parle, un pays vers lequel la France a exporté pour 834 millions d'euros de blé en 2022, et qui a vu ses exportations vers le même pays chuter de 80% en 2023. Et ce qui constitue une évolution notable de la vision des professionnels en question, c'est qu'ils voient les choses exactement comme elles doivent être vues, en l'occurrence ne plus considérer l'Algérie comme un pays éternellement importateur de blé. Au-delà des atouts que possèderaient la Russie, la France ou un autre pays pour écouler son blé sur le marché international, pour l'Algérie, le plus important c'est d'investir dans ce créneau. L'Italie a pris les devants dans ce sens, en affichant une ferme volonté d'investir dans l'agriculture saharienne en Algérie.

Un autre pays arabe a déjà réservé plus de 100.000 hectares. Et la porte reste ouverte devant n'importe quel pays tenté par l'opportunité d'investir gagnant-gagnant dans l'immensité du Sahara, avec ses plus de 3 millions d'hectares de terres qui ouvrent les bras aux investisseurs. Les céréaliers français qui ne se préoccupaient, jusqu'à présent, que d'arriver à charger le maximum de trains de grains en direction du port de Rouen, doivent sonder les possibilités de partenariats gagnant-gagnant avec les Algériens, a laissé entendre le chargé des relations internationales au niveau d'Intercéréales.