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Deux facettes d'une même pièce

par Abdelkrim Zerzouri

Si l'installation récente d'une Haute commission nationale des recours relatifs à l'investissement a été saluée par l'ensemble des opérateurs économiques en tant qu'acquis précieux et l'une des innovations des plus significatives de la nouvelle loi relative à l'investissement, il n'en demeure pas moins qu'elle exprime les craintes des pouvoirs publics face à une bureaucratie qui ne se lasse pas de mettre les bâtons dans les roues de la locomotive du changement. D'ailleurs, les représentants des opérateurs économiques le disent clairement, cette commission contribuera «à la facilitation de l'acte d'investir et concourra à lutter contre la bureaucratie», en plus d'offrir «une garantie supplémentaire aux investisseurs et facilitera les recours aux investisseurs qui s'estimeraient, abusivement, lésés dans l'octroi des avantages dus ou pour lesquels il serait notifié un rejet infondé de leurs projets d'investissements». Mais, on doit craindre également que les investisseurs potentiels, porteurs de gros projets bénéfiques pour l'économie nationale, ne se fatiguent pas trop, quand ils sont bloqués par la machine bureaucratique, à introduire des recours et à attendre les décisions de la Haute commission nationale avant de passer à la réalisation de leurs projets.

De nos jours, ce sont les gouvernements de tous les pays, à quelques exceptions près, qui courent derrière les investisseurs, leur étalant des tapis rouges et autres opérations de marketing attrayantes pour les amener à réaliser leurs projets chez eux. Et, on imagine mal des situations contraires où les investisseurs courent derrière les autorités pour se plaindre des blocages rencontrés sur le terrain. Parfois, pour l'exemple, des investisseurs plient bagages et changent de pays de domiciliation de leurs projets à cause des lenteurs dans l'installation du téléphone et de la connexion Internet, que dire alors s'ils sont bousculés par une bureaucratie qui leur fera voir et entendre des vertes et des pas mûres ? Dans cet esprit, on ne peut qu'espérer que cette Haute commission ne reçoive aucun recours de la part des investisseurs, soit « zéro » litige à traiter, de sorte que les concernés trouvent toutes les facilitations pour s'installer naturellement selon ce que dicte la loi. Sinon, on va rééditer ce qui a été fait par le médiateur de la République, qui a réussi à débloquer un millier de projets à l'arrêt pour des raisons anormales, presque toutes liées à des blocages bureaucratiques.

Alors que, normalement, quiconque « retirerait ou refuserait d'octroyer des avantages aux investisseurs comme stipulé par la réglementation en vigueur, ou refuse d'établir des décisions, des documents et des autorisations par les administrations et organismes concernés», des cas de litige ouvrant la voie à la saisie de la Haute commission nationale, doit répondre de ses actes devant un tribunal en tant que présumé coupable de « crime économique » et de tentative de corruption. La bureaucratie et la corruption sont deux facettes d'une même pièce.

La corruption, ce n'est pas seulement le fait d'attraper le corrompu la main dans le sac avec une liasse de billets, mais en posant également la question du « pourquoi accorder une autorisation à quelqu'un qui ne la mérite pas ou la refuser à quelqu'un qui y ouvre droit » ?