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Le veto change de main

par Abdelkrim Zerzouri

Changement majeur au Conseil de sécurité à propos des appels pour un cessez-le-feu à Ghaza. Après avoir opposé leur veto à trois reprises à des résolutions présentées par d'autres pays, les Etats-Unis ont déposé vendredi 22 mars devant le Conseil de sécurité un projet de résolution appelant à un cessez-le-feu immédiat et durable. La Chine et la Russie qui ont mis leur veto à cette résolution, ainsi que l'Algérie qui a voté contre, ont finalement tout bloqué. Mais que s'est-il passé pour que les Etats-Unis opèrent un changement de cap ? A peine un mois passé, les Etats-Unis ont été le seul pays à avoir mis leur veto à une résolution déposée par l'Algérie, le 20 février, appelant à un cessez-le-feu indéfini à Ghaza. Selon la représentante des Etats-Unis au Conseil de sécurité, ce projet déposé par l'Algérie «ne permettrait pas d'instaurer une paix durable et pourrait même avoir l'effet inverse» en parasitant les négociations en cours entre le Hamas et Israël en vue d'une trêve prolongée incluant la libération des otages.

Toutefois, cette évolution dans la position US ne peut pas surprendre quand on prend en considération les récentes déclarations du secrétaire d'Etat, Antony Blinken, où il évoque la « nécessité » d'un cessez-le-feu immédiat et durable à Ghaza pour protéger les civils et permettre l'acheminement des aides humanitaires. Et, c'est dans les mêmes termes que les Américains ont présenté leur projet de résolution pour un cessez-le-feu « nécessaire » mais dépourvu de toute exigence. Cela reste quand même une évolution dans les positions des Etats-Unis, dont les motivations peuvent s'expliquer par les profonds désaccords entre le président Biden et Netanyahu autour de la gestion de cette guerre qui a fait trop de victimes civils, et qui n'arrange pas les affaires des démocrates à la veille des élections présidentielles, ainsi que d'autres priorités à gérer sur les fronts de la guerre en Ukraine et de la guerre économique engagée avec la Chine.

L'ambassadrice américaine à l'ONU a soutenu dans ce sillage que «la Chine et la Russie ne voulaient simplement pas voter pour un projet rédigé par les Etats-Unis, parce qu'ils préfèrent nous voir échouer que de voir un succès du Conseil», mais l'ambassadeur russe a dénoncé un texte «hypocrite», alors que le Hamas, qui a dénoncé également à travers un communiqué la «formulation trompeuse» de la proposition américaine, a fait part de son « appréciation à l'égard de la position de la Russie, de la Chine et de l'Algérie qui ont rejeté la résolution américaine biaisée ». Ce qui est sûr, c'est que la tension entre l'administration américaine et le gouvernement israélien s'accroît de plus en plus, notamment à l'ombre d'une offensive à Rafah, désapprouvée par Biden et défendue par Netanyahu, qui a clairement dit que l'offensive en question aura lieu « même sans le soutien des Etats-Unis ».

En misant sur un retrait franc du soutien US au gouvernement Netanyahu, à l'ONU on ne s'arrête pas d'appeler à un cessez-le-feu immédiat à Ghaza, avec un autre vote, qui devait se tenir hier samedi, pour une nouvelle proposition dans ce sens préparée par plusieurs membres non permanents du Conseil. Même si on sait ce que fait d'habitude Israël de ces résolutions onusiennes, son isolement sur le plan international se renforce.