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Instabilité et péril

par Abdelkrim Zerzouri

Y a-t-il une menace sur nos avoirs en placements financiers ou dans les banques étrangères ? La salve groupée de sanctions économiques et financières décidées contre la Russie devrait sérieusement donner à penser aux dirigeants des pays qui ont des avoirs financiers dans des banques américaines et européennes. C'est un enseignement de ce conflit en Ukraine qui ne peut échapper à personne, car la première arme utilisée dans la guerre économique contre la Russie fut le gel de tous ses avoirs financiers dans les banques des pays de l'Union européenne et aux Etats-Unis. Et cela peut arriver à n'importe quel pays qui s'attirerait les foudres de ces puissances en prenant des décisions qui n'arrangent pas leurs affaires. L'Algérie n'est pas à l'abri de pareille situation et devrait en conséquence prendre toutes ses dispositions pour sécuriser ses avoirs financiers et diversifier le plus possible sa coopération économique.

La question a été au menu du conseil national du parti Jil Jadid, présidé par Sofiane Djilali, tenu dimanche dernier, et on a dans ce sens exhorté les autorités publiques d'aviser une «gestion sécurisée» des réserves financières de l'Algérie, notamment face à la perspective de l'afflux d'une nouvelle manne grâce aux hydrocarbures. Selon les conclusions du parti, «l'Algérie devrait s'engager à convertir ses avoirs en dollars et euros en détention d'or physique et/ou de matières premières et à les domicilier sur le territoire national». Une telle action a été engagée depuis quelque temps par la Chine, qui se voit menacée par les mêmes sanctions décidées contre la Russie, selon plusieurs observateurs qui ont remarqué des achats massifs d'or physique. Aussi, dans ces conditions, les sanctions étant une arme à double tranchant quand on a affaire à des pays assez puissants économiquement, qui exigent d'être payés dans les transactions commerciales extérieures en monnaie nationale (la Russie exige le paiement en rouble et la Chine pourrait suivre son exemple en favorisant le yuan), les devises connues comme fortes, dont le dollar et l'euro, risquent eux-mêmes de faire les frais de cette guerre qui peut, selon les experts, mener vers une fragmentation de l'économie mondiale.

Jil Jadid prévient également contre la tentation nuisible de la surproduction des hydrocarbures, vers laquelle pousse Américains et Occidentaux pour pallier le manque ressenti après le boycott des hydrocarbures russes. Même si on sait pertinemment que ni l'Algérie ni l'Afrique tout entière ne pourront combler le vide que laisserait un embargo sur les hydrocarbures russes, on cherche à pousser aux limites de leurs productions les pays exportateurs d'or noir pour mettre à exécution le plan, décidé lors du dernier G7, tenu dimanche 8 mai, qui vise à supprimer progressivement les importations de pétrole russe. L'embargo pétrolier, aussi, peut être utilisé contre tout pays producteur/exportateur de cette ressource naturelle, l'Iran en est un exemple édifiant, et cela devrait inciter le gouvernement à prendre les dispositions nécessaires au cas où dans cette conjoncture instable et périlleuse. Gérer c'est prévoir l'avenir.