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Un état d'esprit magnanime

par Abdelkrim Zerzouri

Les Algériens sont-ils à ce point devenus insensibles aux problèmes économiques dont souffrent les pays voisins et africains en général ? Le dépôt par l'Algérie de «150 millions de dollars dans la Banque centrale tunisienne» sous forme d'aide financière n'est pas passé sans laisser des traces dans les (mauvaises) consciences. Depuis l'annonce par le président Tebboune de cette bonne attention à l'égard de la Tunisie, lors de la visite du président Kais Saïed, des réactions carrément hostiles ont été enregistrées et les réseaux sociaux se sont enflammés en critiques dures, voire offensantes, contre cette décision que les Algériens devaient, pourtant, applaudir.

Le peuple algérien peut-il se défaire de sa réputation de pays qui soutient les causes justes et qui exprime son aide spontanée aux pays pauvres ou en difficultés passagères, comme c'est le cas de la Tunisie qui traverse une conjoncture difficile, tant sur le plan financier qu'économique, pratiquement depuis la révolution du Jasmin qui a provoqué la destitution, en 2011, de l'ex-président Ben Ali et donné l'étincelle de ce qu'on appelle ?printemps arabe' ? Ce trait de caractère fait figure de fondement de sa politique étrangère. Les internautes, qui restent ?anonymes', ainsi que la vox populi ?émotionnelle' qui a subi leur influence, n'ont pas digéré cette largesse du président de la République, considérant que cet argent (150 millions de dollars) devait bénéficier aux Algériens, eux-mêmes dans une mauvaise passe économique.

C'est ce qui a été insidieusement distillé par certaines voix qui n'ont d'autres objectifs que critiquer toutes les actions du président Tebboune. Critiquer dans le sens constructif, oui, c'est même indispensable, mais le faire d'une manière méthodique et sournoise pour faire monter le peuple contre son président, c'est dangereux et cela mérite de s'y attarder. Un président élu, qui a de larges pouvoirs constitutionnels, qu'il refuse lui-même d'exploiter à fond, puisqu'il souhaite en réduire la portée avec la nouvelle Constitution en gestation, mais certains ne baissent pas les bras et continuent leurs attaques virulentes visant la démoralisation et la démobilisation de la société.

Quelle que soit la portée des actions engagées par le président de la République, ainsi que ces déclarations, on assiste ces derniers temps à la sortie en grande pompe de groupes spécialisés dans le « détournement » de l'opinion, faisant preuve d'un acharnement très agressif qui déforme totalement la réalité, notamment à travers les réseaux sociaux, avant que cela ne déborde sur le champ public. Parce que fatalement l'influence des réseaux sociaux aujourd'hui est plus significative que tout autre support médiatique. On est allé jusqu'à tourner en caricature le fait de ramener de Chine dans le même avion de la compagnie aérienne nationale des ressortissants algériens, libyens, tunisiens et mauritaniens, en estimant qu'on aurait dû, tant qu'on y est, rapatrier les ressortissants d'autres pays africains, histoire de faire rire la galerie, mais pas sans critiquer en dessous cette prédisposition de l'Algérie à aider ses voisins.

Cela ne plaît pas, décidément, à beaucoup de monde que le pays se réveille dans son rôle de puissance régionale qui déploie ses forces pour régler les conflits armés (Libye et Mali) et se montrer magnanime avec ceux qui éprouvent le besoin d'un soutien quelconque. Cette réalité incite à accorder au métier de journaliste, le web journalisme particulièrement, une importance capitale pour remédier aux orientations fallacieuses de l'information. Cela fait, désormais, partie intégrante du métier de journaliste. Par exemple, ceux qui essaient de détourner de son bon sens cette information au sujet des 150 millions de dollars accordés à la Tunisie, ne précisent pas qu'il s'agit d'un dépôt et non d'un don, que l'Algérie peut récupérer à tout moment. Tout autant, la facilitation des paiements pour les exportations d'hydrocarbures vers ce pays ne peut se comparer à un effacement des dettes, comme l'a fait l'ex-président avec quelques pays africains sans qu'on sache ni pourquoi ni comment cela a-t-il été entrepris.