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Flambée programmée des devises

par Abdelkrim Zerzouri

C'est effectif, les voyageurs algériens pourront se déplacer à l'étranger avec 5000 euros en poche sans contrainte de déclaration douanière. La loi de finances étant entrée officiellement en vigueur le 1er janvier 2020, son article 72 autorise désormais le voyageur algérien ou étranger à faire entrer ou sortir du pays jusqu'à 5 000 euros, librement et sans déclaration douanière, alors que ce montant était jusque-là limité à 1000 euros, au-delà il fallait justifier la provenance des fonds avec une attestation bancaire. Cette nouvelle disposition est accueillie avec grande satisfaction par les citoyens, mais on pourrait vite déchanter face aux effets qu'une telle décision ne manquerait d'entraîner.

En premier lieu, on aurait été plus sensé de relever le montant misérable de l'allocation touristique, limitée à 105 euros, alors que nos voisins ouvrent droit à une allocation entre 3 000 et 3 500 euros, avant de décider de relever le seuil du montant en devise que chaque voyageur peut emporter ou ramener de l'étranger, sans contrainte de déclaration douanière. Car, cette disposition, associée à d'autres considérations, notamment l'autorisation d'importation des véhicules de moins de trois ans et plus largement les indicateurs économiques, qui sont en défaveur de la monnaie nationale, va inévitablement provoquer une flambée des cours de change au marché parallèle de la devise. Pour le touriste algérien, donc, le recours au marché noir de la devise est exigé par les circonstances. Pour ne pas dire que cette «permission » est fatalement orientée par ces dispositions, qui encouragent, ainsi, le change parallèle des devises. Il y a également un autre facteur qui participe à l'encouragement et à l'essor du marché noir de la devise, en l'occurrence cette nouvelle mode qui pousse les ménages algériens à échanger leurs économies en euros. Pour les mettre hors du danger de toute chute brutale du dinar. Renforçant, ainsi, la clientèle de l'euro sur le marché noir et contribuant à la hausse de la valeur de cette monnaie. Pourtant, le marché noir de la devise favorise la fuite des capitaux, très néfaste pour l'économie nationale. N'a-t-on pas évalué tous ces risques et retombées néfastes sur l'économie nationale en relevant le seuil de la monnaie étrangère autorisée à la sortie du territoire et autorisant l'importation des véhicules de moins de trois ans ? Peut-être qu'on a juste fait de satisfaire les désirs des citoyens, une autre façon d'acheter la paix sociale dans l'impossibilité de puiser dans les caisses de l'Etat. Dans ce décor qui plaide pour la flambée sur le marché noir des devises, des solutions existent, on pourrait dans ce contexte envisager l'encouragement de l'ouverture des bureaux de change, dont on ne fait que parler depuis 2016. Le moment est vraiment propice pour ouvrir ces bureaux, il s'agit seulement d'équilibrer un tant soit peu la valeur du change officiel du dinar et accorder une marge bénéficiaire conséquente aux cambistes.