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Un appel suspect ?

par Moncef Wafi

Et si la double option de la désobéissance civile et la grève générale était le premier clou enfoncé dans le cercueil du soulèvement populaire que vit actuellement l'Algérie. Pourtant, et dans l'absolu, l'objectif de ce double appel reste identique aux slogans des foules du vendredi et des autres jours qui battent le pavé pour dire non au cinquième mandat et dénoncer le système politique érigé en mode de gouvernance. Si l'appel a été largement suivi dans certaines wilayas, par contre, dans d'autres parties du pays, l'effet semble moins spectaculaire. Et c'est justement là que la notion de l'unité populaire, née le 22 février dernier, semble se casser sinon se lézarder. En effet, dans l'absence d'une unanimité dans la prise de décision et devant les risques de division que peut susciter cette initiative, il est fort à craindre que la mobilisation des citoyens ne soit détournée par des problèmes de logistique.

Cette dispersion dans le mouvement populaire peut être interprétée différemment pour peu qu'on penche vers l'une ou l'autre des définitions. Si la désobéissance civile est une arme de combat pacifique dans la main du peuple, la grève générale peut, elle, traduire un certain malaise chez les Algériens soucieux d'éviter un stress supplémentaire d'autant plus que le mot d'ordre n'a pas été suivi et respecté partout comme l'ont été les marches de protestation. Dans une déclaration au HuffPost Algérie, Me Mustapha Bouchachi estime, à juste titre, que le recours à cette formule «est prématuré» et «ne sert pas les intérêts des Algériens». Un avis également partagé par Me Noureddine Benissad pour qui la grève générale «crée une panique chez la population». La lecture même d'une suspicion d'infiltration du mouvement, pour le diviser, est permise puisque, plusieurs jours auparavant, des individus se présentant comme des fonctionnaires ont fait le tour des commerces pour leur exiger explicitement de baisser les rideaux à partir du 10 mars. Cette interprétation se trouve renforcée par la décision du ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique de renvoyer tous les étudiants internes chez eux en avançant la date des vacances de printemps au 10 mars. Une date qui coïncide aussi avec l'annonce du retour de Bouteflika en Algérie. Cette série de coïncidences ne peut être aléatoire et tout indique que nous allons vivre, dans les prochaines heures, des événements et des annonces qui peuvent faire basculer le pays en enfer ou en démocratie.