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Panique

par Mahdi Boukhalfa

Dans ce formidable appel d'air des Algériens qui ont fait sauter le verrou de la peur pour revendiquer pacifiquement un changement radical de gouvernance et mettre entre parenthèses un 5ème mandat de tous les risques politiques, il y a des commis de l'Etat en déphasage par rapport à la réalité qui n'ont pas compris le sens profond et historique de ce mouvement populaire. Une situation globale du pays et de ses institutions qui appelle non seulement à la sagesse et la pondération pour éviter l'étincelle de cette «fitna» brandie par le dernier message du président à l'occasion de la journée internationale pour les droits de la femme, mais également pour que les protestations contre le 5ème mandat et pour l'avènement de la démocratie n'ouvrent pas la voie au «chaos» tant brandi par les tenants du statu quo et du 5ème mandat.

Car la décision du ministre de l'Enseignement supérieur de libérer les étudiants et les enseignants pour des vacances universitaires anticipées est non seulement dangereuse et provocatrice, mais de nature à faire le lit de tous les scénarios de dérapage d'un mouvement qui rassemble toutes les couches sociales du pays. Et en premier lieu le mouvement estudiantin, devenu pratiquement l'étendard de la contestation populaire contre le régime actuel. La décision du ministre de l'Enseignement supérieur confirme toute la panique qui s'est emparée de larges pans du gouvernement et, au-delà, des cercles influents du pouvoir et qui se cristallise sur des solutions et des scénarios impopulaires pour brider la volonté des Algériens de revendiquer dignement et dans la joie même le passage à un autre système politique, plus démocratique et non populiste, qui symbolisera vraiment la devise du pays : «par le peuple et pour le peuple».

La panique de Hadjar devant la maturité politique des étudiants algériens et leur refus du 5ème mandat montre beaucoup plus que le gouvernement, pour ne pas citer une autre autorité en l'absence du président, n'a pas spécifiquement de «plan B» pour sortir du piège de cette élection présidentielle qui a pris la forme d'une totale bérézina pour les tenants de «la continuité». Il est clair d'abord que la révolte des étudiants et tout ce qu'ils représentent comme forces politiques de l'opposition est en train de provoquer des nuits d'insomnie aux dirigeants du pays, ensuite que le pouvoir est à court d'idées pour gérer ce moment historique et donc il procède par des demi-mesures qui dévoilent l'ampleur de la panique dans les sphères du pouvoir et la débandade au sein des partis de la majorité.

Certes, Hadjar n'est pas le seul à avoir mal apprécié la situation politique actuelle, ni le principal responsable d'une montée plus que prévu de la colère du mouvement estudiantin, mais il a montré par son geste désespéré que le pouvoir est désarmé devant les manifestations contre le 5ème mandat. Et qu'il n'a pas de solutions de rechange ni de «plan B». Le retour au pays du président devrait provoquer une décantation politique, attendue d'ici à l'annonce par le Conseil constitutionnel du résultat de l'examen des 21 candidatures à la candidature au scrutin du 18 avril.