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Histoire de Taghit

par Moncef Wafi

Alors que l'Egypte tente de prendre sa part des touristes algériens, en concurrençant la Tunisie, ce qui s'est passé dans la journée du 31 décembre ne peut qu'attiser les craintes et actualiser l'interrogation sur l'influence sans cesse renforcée du courant islamiste sur les jeunes. Des cars de touristes nationaux, en route vers Taghit pour y passer le réveillon, ont été bloqués sur la route à l'aide de grosses pierres contraignant les passagers à continuer à pieds pour atteindre leur destination. Embrigadés par le discours d'un imam de la région, dit-on, sur l'illicéité de la fête, de jeunes autochtones sont passés à l'action tout comme l'ont fait d'autres, pendant l'été dernier, à Laghouat, Sidi Bel Abbès ou encore Ouargla pour protester contre la tenue de galas artistiques. Les incidents de Taghit supposent deux axes de réflexion qui convergent vers l'absence d'une réactivité des pouvoirs publics coupables de laxisme vis-à-vis d'un groupe de citoyens qui essayent d'imposer leurs points de vue par la force. Les événements de l'été et le blocage de route, ce lundi à Taghit, soulignent le retour, au premier plan de l'actualité, de l'intolérance cachée derrière des revendications socio-professionnelles. Ses commanditaires sont ces islamistes qui veulent se replacer à l'approche de toute échéance électorale. Pourtant, on avait pensé qu'après les sévères rappels du ministère de l'Intérieur ce genre de scènes était révolu. Réagissant aux pressions exercées par les islamistes pour annuler concerts et galas, Bedoui avait indiqué que «l'Algérie est un Etat d'institutions», rappelant à «ceux qui veulent profiter de la situation et du citoyen à l'approche de chaque échéance politique» que l'Algérien est attaché à son pays et soutient ses institutions. Cette tendance à exporter l'idéologie du moment sur la place publique devra être surveillée et surtout encadrée, sachant pertinemment que les conséquences de tout attroupement non autorisé peuvent être fâcheuses. Cette dictature de la pensée, soit-elle unique ou religieuse, a déjà suffisamment impacté le pays pour qu'on y réponde avec autant de laxisme. L'autre axe nous conduit vers la politique du tourisme, domestique avant tout, qui devra certainement faire l'objet de toutes les attentions du gouvernement. La région de Taghit, Beni Abbès ou encore le Sud algérien sont un immense réservoir de richesse et un indéniable substitut aux recettes des hydrocarbures.

Autant pour le Trésor public que pour les économies régionales, l'intérêt de l'Etat est dans l'encouragement des initiatives individuelles afin d'impliquer et d'intéresser les autochtones à s'y installer et surtout à défendre leur gagne-pain. Si les habitants de Taghit vivaient des revenus du tourisme, on verra que personne n'aura intérêt à barrer la route aux touristes. Mais là, c'est une toute autre histoire.