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Hariri a quitté Ryadh mais pas libre de ses actes

par Kharroubi Habib

Retenu à l'évidence contre son gré à Ryadh pendant une quinzaine de jours et contraint de faire semblant d'avoir seul décidé de rester en Arabie saoudite pendant ce laps de temps, le Premier ministre libanais a quitté ce pays à destination de Paris où il est arrivé samedi matin pour être aussi reçu par le président français Emmanuel Macron. Faut-il pour autant considérer que le départ de Hariri de Ryadh réduit à néant l'accusation portée contre la monarchie wahhabite d'avoir effectivement séquestré le Premier ministre libanais afin de faire pression sur son pays jugé par son roi et son fils le prince héritier coupable de ne pas contester la place et le rôle qui sont ceux du Hezbollah pro-iranien sur la scène politique libanaise ?

Hariri ne doit le «happy end» qui a sanctionné son affaire montée par les wahhabites saoudiens qu'à l'entremise française, il n'en a pas pour autant fini avec les pressions de ces derniers qui l'ont acculé à commettre l'acte sans précédent pour un homme d'Etat qui a consisté à annoncer sa démission à partir de la capitale d'un pays autre que le sien. Les Saoudiens n'ont mis fin à sa séquestration que pour complaire au chef de l'Etat français qui les en a empressés d'y mettre un terme. Mais il ne faut pas être dupe, ils n'y ont consenti qu'en prenant le gage que le Premier ministre ne s'avisera pas de confirmer qu'il a été effectivement retenu contre son gré à Ryadh et sur leur injonction forcé de faire l'annonce de sa démission.

Entre autres gages qu'ils se sont donnés, le roi et son héritier présomptif ont celui ignoble d'avoir gardé en otage dans le royaume deux des enfants du Premier ministre libanais. Mis dans cet état en tant que père, Saad Hariri reste à l'évidence soumis à la pression des autorités wahhabites et donc dans l'impossibilité de dévoiler le plan de Ryadh à concocter pour à travers lui déstabiliser le Liban. Malgré les apparences, le Premier ministre libanais n'a pas retrouvé sa liberté d'action et de parole. Les Saoudiens ont toujours barre sur lui et le feront agir en fonction du dessein qu'ils veulent concrétiser au Liban. C'est pourquoi il faut s'attendre que de retour à Beyrouth Hariri confirmera au président Michel Aoun sa surprenante décision de démission annoncée à partir de Ryadh.

Autant dire que le «happy end» dont le président français est crédité de la survenue dans la séquence de sa séquestration à Ryadh n'en est pas un pour le Liban, car la démission maintenue de Hariri plongera ce pays dans une crise politique dont la monarchie saoudienne en a fait son objectif avec le calcul que ses affidés libanais stipendiés par elle remettent en cause le deal politique qui les a fait participer à un gouvernement libanais incluant dans ses rangs des ministres appartenant ou proches du Hezbollah pro-iranien. Il n'y a pas de sursaut «patriotique» à attendre de Saad Hariri qui, répétons-le, est «pieds et poings liés» devant ses tuteurs saoudiens qui n'hésiteront pas à le punir de la façon la plus cynique et atroce s'il s'aventure à vouloir s'affranchir de la «feuille de route» qu'ils lui ont fixée en l'autorisant à quitter Ryadh et qui est que lui et ses partisans doivent radicalement mettre fin à leur entente avec le Hezbollah et ramener le Liban dans le seul giron de l'influence de Ryadh avec pour conséquence de placer celui-ci dans une situation qui justifierait toute aventure militaire étrangère contre lui y compris dans laquelle Israël serait tenté de se lancer et que les wahhabites saoudiens ne manqueront pas de favoriser.