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Des syndicats autonomes responsables mais pas dupes

par Kharroubi Habib

Pour tenter de conjurer la propagation au monde du travail de la contestation sociale qui enfle contre la politique d'austérité qu'il est contraint d'administrer au pays pour cause de crise financière, le gouvernement s'est tourné vers les syndicats autonomes dont il tolérait jusque-là à peine l'existence et leur refusait le statut de partenaires sociaux avec lesquels l'Etat serait tenu de dialoguer et négocier.

Ce changement d'attitude gouvernementale ne relève pas de la seule initiative du ministre du Travail et de la Sécurité sociale qui a convié ces syndicats à une rencontre d'information mais procède d'une stratégie entérinée en haut lieu visant à les amadouer et à renoncer à poursuivre le mouvement de protestation sociale dont ils sont les animateurs et qu'ils comptent installer dans la durée. Le gouvernement a opté pour lâcher du lest sur sa position de refus de les considérer comme représentatifs au constat que les protestas et grèves qu'ils organisent rallient de plus en plus de monde et que la centrale syndicale UGTA sur laquelle il a compté pour faire office de pompier social peine de plus en plus à remplir ce rôle.

Sans être dupes de « l'ouverture » que les autorités ont esquissée en leur direction, les syndicats autonomes ont fait preuve d'esprit de responsabilité en se rendant à la conférence à laquelle les a conviés le ministre du Travail et de la Sécurité sociale. De celle-ci ils ont estimé toutefois qu'elle a eu des intentions qu'ils ne peuvent cautionner car cherchant à leur faire avaliser des décisions aux prises desquelles ils n'ont pas été associés et dont ils dénoncent les orientations antisociales.

Pour couper court à toute spéculation à laquelle pourrait donner lieu la rencontre qu'ils ont eue avec le ministre du Travail pouvant laisser entendre que celui-ci serait parvenu à les mettre dans sa poche en leur prodiguant la vague promesse de l'établissement désormais d'un dialogue avec eux qui serait continu et approfondi, ces syndicats ont unanimement fait savoir qu'ils vont poursuivre leur mouvement de protestation sociale. Ce que faisant ils vont contraindre le gouvernement soit à accéder à leur revendication de fond qui est qu'il mette fin à leur marginalisation en tant que partenaires sociaux et par conséquent accepter d'entamer avec eux un dialogue impliquant l'ajustement des erreurs que contient la politique sociale qu'il a convenu de mettre en œuvre, soit à persister dans son déni et à recourir à leur diabolisation au prétexte qu'ils chercheraient à mettre en péril la paix sociale et partant la stabilité du pays.

Pour se prémunir contre cette accusation, les syndicats autonomes doivent impérativement faire la démonstration qu'ils sont à la tête d'un mouvement de contestation sociale dont les revendications sont partagées par la majorité du monde du travail et au-delà de celui-ci. L'on aura l'exacte vérité à travers l'ampleur qu'aura la prochaine grève dont ils ont maintenu l'organisation.