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Réforme du bac, pas une «priorité stratégique»

par Abdelkrim Zerzouri

D'habitude intransigeante dans ses décisions et inébranlable dans ses positions face aux mouvements de protestation, la ministre de l'Education nationale, Mme Nouria Benghebrit, a surpris tout son monde en faisant marche arrière après avoir annoncé l'introduction de nouvelles dispositions pour la session du baccalauréat de juin 2017, touchant la durée de l'examen, qui a été ramenée à trois jours, ainsi que certains agencements des horaires des épreuves et autre élimination de sujets donnés au choix des candidats. Qu'est-ce qui a bien pu pousser Mme Benghebrit à lâcher du lest ? La volte-face de la ministre, qui a annoncé que le baccalauréat se déroulera sur une période de cinq jours du 11 au 15 juin, et non pas trois, comme il en avait été fait état précédemment, a provoqué des vagues dans le secteur, où chacun y va de son explication. La ministre de l'Education nationale explique qu'il ne s'agit en rien d'un recul de la réforme de cet examen, qui devrait se faire «progressivement» et s'étaler jusqu'à 2021.

En fait, la ministre minimise le recul en le qualifiant d'une «adaptation» visant à appréhender le «stress et les angoisses» manifestés par les élèves vis-à-vis de cet examen. C'est «l'immensité de cette angoisse» qui nous a amené à revenir à l'ancien calendrier, a-t-elle souligné. Les seuls changements attendus, parce qu'il y aura quand même de légers changements, non contestés par les candidats, concerneront l'heure de début des examens, reportée de 8 à 9 heures, le nombre des épreuves quotidiennes (deux chaque jour) et le temps consacré à la pause qui passerait d'une demi- heure à une heure et demie.

Bien évidemment, ces explications ne sont pas convaincantes pour les syndicalistes. Ces derniers disent regretter l'absence de concertation avec les partenaires sociaux avant de parler plutôt de décisions prises dans «la précipitation» dans le dossier de la réforme du baccalauréat, d'autres plus hostiles, dans le verbe, y voient «du bricolage» pure et simple. En somme, on accuse la ministre de faire dans l'improvisation en prenant des décisions unilatérales et irréfléchies. Un échange d'amabilité qui conduira la ministre à préciser que ces nouvelles dispositions ont été prises en concertation avec les enseignants et les partenaires sociaux, et qu'il s'était dégagé de cette concertation le principe d'une application progressive de la réforme de l'examen du baccalauréat, et que l'un des premiers points retenus porte sur un allègement du nombre des exercices. En toute logique, donc, la ministre rejette les accusations des syndicats d'enseignants qui ont présenté le retard d'application de la réforme, qu'elle n'a cessé de défendre, comme un «recul» de sa part, en même temps que le résultat d'une «politique irréfléchie et de décisions prises dans la précipitation». Jugeant cette réaction «excessive et injuste», parce que ces syndicats ont, eux aussi, participé à la présentation des propositions d'hypothèses, multiples et variées. Et, histoire d'atténuer le revirement dans sa position, elle considère que la refonte du baccalauréat ne constituait pas à ses yeux une «priorité stratégique dans la politique que nous sommes en train de mettre en œuvre», non sans assurer que le projet de réforme du bac n'avait pas été, pour autant. En filigrane, comprendre que la réforme du bac tombe mal, cette année. Dans un moment de grande effervescence dans le secteur à la suite de l'annulation de la retraite anticipée, il ne fallait surtout pas verser de l'huile sur le feu. En aucun cas. La protesta des élèves a fait «tilt», immédiatement, rien que parce que les enseignants, ou une partie d'entre eux, se trouvent engagés dans un bras de fer avec les pouvoirs publics, initiant dans ce cadre des grèves cycliques qui, même si l'adhésion ou la mobilisation reste faible, s'inscrivent dans la durée, selon les syndicalistes.

On comprend mieux, ainsi, les réactions de ces derniers, souhaitant en leur for intérieur avoir un soutien des élèves qui s'apprêtaient à rejoindre le mouvement de contestation, plonger le secteur dans une grande instabilité et faire infléchir la décision des pouvoirs publics dans le dossier de la retraite. C'est de bonne guerre. Mais on ne peut pas ne pas dire autant pour ce qui relève du revirement de la ministre. Cette dernière a, de bonne guerre, coupé l'herbe sous les pieds des protestataires en refroidissant l'effervescence dans les rangs des élèves candidats au bac. Ce n'est guère le moment d'ouvrir d'autres fronts de protestation, d'autant que la tutelle a le temps (jusqu'en 2021) qui joue en sa faveur pour appliquer ces réformes.