Le dossier
des rapatriements humanitaires est sorti de son cours naturel à la faveur d'une
opération menée à Alger, à la veille du Forum africain d'investissement et
d'affaires. Outre le mauvais timing et l'improvisation, cet épisode repose avec
acuité le cas de ces migrants subsahariens en déshérence dans les villes
algériennes. L'Algérie, qui doit faire face à ce dossier sensible à tous les
points, se retrouve à tous les coups devant un dilemme partagé entre devoir
moral, facture à payer et image à exporter.
Le pays
doit faire face à la prise en charge de quelque 220.000 réfugiés recensés sur
son territoire, un contingent qui ne cesse d'augmenter au fil des ans et des
tragédies internationales. Ils sont notamment Nigériens, Maliens, Syriens,
Palestiniens, Libyens et Sahraouis, important une mosaïque de conflits dans le
monde arabe et africain en particulier. En effet, de pays de transit, l'Algérie
a changé de statut, accueillant dans la durée des milliers de Subsahariens qui
y trouvent refuge chaque année. Cette prise en charge a un prix et la facture
est lourde à payer, mais l'Algérie met un point d'honneur à traiter les
réfugiés du monde selon les convenances. En juin 2016, Saïda Benhabyles, la présidente du Croissant-Rouge algérien
(CRA), «le bras humanitaire des pouvoirs publics» et à une question sur la
capacité de l'Algérie à faire face au flux migratoire subsaharien et surtout
sur la disponibilité de moyens financiers et humains pour la prise en charge de
ces populations qui ont fui les guerres et la famine, avait préféré botter en
touche. Sa réponse toute diplomatique : «Je n'aborde pas le problème dans ce
sens. Je suis en train de militer pour atténuer ce drame humanitaire», cela
renseigne sur la sensibilité du sujet. En effet, et depuis toujours, cette
question, même si elle revêt un cachet humanitaire, est avant tout politique.
Pas seulement, mais la position politique du pays par rapport à un problème
international donné ressortait au travers des aides allouées par l'Algérie au
chapitre de l'humanitaire. En plus de la prise en charge
effective des réfugiés sur son sol, et l'effacement des dettes des pays
africains les plus pauvres, l'Algérie est devenue ces dernières années l'un des
premiers pays importateurs de céréales (blé dur, blé tendre et maïs) pour
satisfaire ses besoins domestiques mais également pour approvisionner, sous une
quelconque forme, des pays frontaliers comme le Mali ou le Niger dont la
stabilité politique est un gage de quiétude le long des frontières communes,
mais aussi dans la pérennisation de la lutte antiterroriste dans cette région
du Sahel. De là à ce que tout soit remis en question à cause d'une
maladresse chronologique?