Cinq
syndicats autonomes du secteur de l'éducation (CLA, SNAPEST, CNAPEST, UNPEF,
SNAPEP), engagent aujourd'hui une grève ??cyclique'' de deux jours, annoncée
cette semaine pour les 17 et 18 octobre, et les 24 et 25 octobre pour la
prochaine semaine, et d'autres actions seront certainement décidées à l'issue
de ces mouvements de protestation dans le cas où les pouvoirs publics ne
donnent pas écho aux revendications des partenaires sociaux en question. Et,
d'autres syndicats du secteur de la santé et quelques secteurs économiques (17
organisations syndicales avaient appelé dernièrement à un mouvement de
protestation les 17 et 18 octobre pour revendiquer l'annulation du nouveau
projet de loi relatif à la retraite proportionnelle sans condition d'âge) se
joindront à ce mouvement de débrayage. Le dossier de la retraite demeure à
l'origine de la protesta, mais d'autres revendications remontent à la surface
dans le sillage et peuvent constituer le plus dur morceau à traiter avec eux,
dont la perte du pouvoir d'achat des travailleurs, qui véhicule une exigence
visant les augmentations des salaires, et l'exigence de les associer dans
l'élaboration du Code de travail. La ministre de l'Education nationale, sur
laquelle reposait un petit espoir d'infléchir la décision des syndicats de son
secteur, a échoué à les faire revenir à de meilleurs sentiments en invoquant
leur sens des responsabilités. Pareil pour les explications données par le
ministre du Travail, qui ne manque pas de rappeler, avec insistance, que la
Caisse nationale des retraites (CNR) «rencontre des difficultés financières»,
sans convaincre grand monde et sans expliquer le pourquoi et le comment de
cette situation dramatique dans un pays constitué en grande majorité de jeunes.
Voilà un dos-à-dos syndicats-pouvoirs publics, au sens le plus large de l'expression.
Les deux parties peuvent-elles être dans le tort, en même temps ? C'est
possible. D'une part, la retraite anticipée n'a jamais été arrachée par des
actions musclées des syndicalistes. C'est un vieux cadeau empoisonné du FMI.
Pour rappel, le dispositif de retraite proportionnelle et sans conditions d'âge
a été institué en 1997 par l'ordonnance n° 97-13 dans les circonstances
particulières du programme d'ajustement structurel élaboré par le gouvernement
suite à un accord avec le Fonds monétaire international (FMI). Quant au
ministre du Travail, le représentant du gouvernement sur ce dossier de
retraite, il serait bien avisé d'expliquer comment peut-on avoir des problèmes
avec le paiement des pensions de retraite dans un pays constitué à 75 % de jeunes
? Des problèmes pour payer les pensions de 3 millions de retraités ne devraient
pas être mentionnés en Algérie. On aurait plutôt admis des difficultés dans la
gestion globale du dossier ??jeunesse'', qui constitue un véritable défi. Selon
le gouvernement, le retour à l'âge légal de départ à la retraite, à 60 ans, et
plus si affinité, est la solution au problème. C'est la voie de salut pour
préserver le système de retraite et garantir sa pérennité pour les générations
futures. Les générations futures, voilà le ??maître-chien'' de la stratégie, ou
l'absence de toute stratégie. Les générations futures, ce sont elles qui
cotisent aujourd'hui pour payer les pensions de l'actuelle génération des
retraités, et il y aura toujours une autre génération sur laquelle il faut
compter pour cotiser au profit des générations futures. C'est l'équation
complexe de la retraite, on cotise pour payer des retraités et on n'a jamais la
garantie qu'il y en aura d'autres pour assurer la continuité. En somme, le
problème ne devrait pas se poser pour un pays constitué de jeunes à hauteur de
75 %. Il suffit tout juste que ces jeunes aient un boulot, que le patron paie
ses charges sociales, et le problème est réglé. Il suffit de créer l'emploi, et
on en crée suffisamment si l'on se fie aux chiffres mêmes du gouvernement (le
taux de chômage étant officiellement aux alentours de 11 %). Le dossier de
retraite, très mal géré par les uns, est un faux problème pris au vol pour
l'exploitation de considérations qui vont bien loin de la petite pension de
retraite. Ne serait-il pas un alibi pour embraser le front social ?