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Ryadh-Le Caire: une alliance stratégique en épreuve

par Kharroubi Habib

En votant au Conseil de sécurité de l'ONU en faveur de la résolution russe sur la Syrie, l'Egypte a mécontenté l'Arabie saoudite au point que les autorités de celle-ci ont ordonné à leur géant pétrolier l'Aramco de lui suspendre la livraison de produits pétroliers. Leur décision ne fera qu'accentuer les tensions entre Le Caire et Ryadh dont les désaccords sur les dossiers syrien et yéménite ont fini par distendre l'entente qui a été la leur depuis la prise du pouvoir en Egypte par le général Abdel Fattah Al Sissi. A celui-ci, qui a destitué l'islamiste Mohamed Morsi mais bête noire de la monarchie wahhabite, Ryadh a offert des aides multiples pour permettre à l'Egypte de faire face à la crise économique qu'elle traverse. Les Saoudiens attendaient évidemment qu'en reconnaissance Al Sissi aligne l'Egypte sur leur pays s'agissant des conflits syrien et yéménite à travers lesquels il est engagé dans un périlleux bras de fer avec l'Iran, son ennemi séculier et rival régional.

Très vite pourtant, il est apparu qu'Al Sissi qui ambitionne pour l'Egypte qu'elle redevienne le pays leader du monde arabe et une puissance régionale dont l'influence serait à prendre en compte, n'allait pas se montrer le vassal de la monarchie saoudienne et l'exécutant docile de son agenda géopolitique régional.

Cela s'est très vite vérifié quand en dépit des aides octroyées par Ryadh au Caire, le président égyptien s'est refusé sur le dossier syrien à calquer la position de son pays sur celle des Saoudiens qui font du départ de Bachar El Assad condition sine qua none pour une résolution de la crise syrienne.

Au grand dam des autorités de Ryadh, Al Sissi, qu'elles pensaient redevable à l'égard de leur pays, s'est déclaré pour un dialogue politique incluant le président syrien. Ces mêmes autorités saoudiennes ont été tout autant « déçues » par leur « allié stratégique » égyptien s'agissant du conflit yéménite. Et pour cause : Al Sissi a certes engagé officiellement l'Egypte dans la coalition militaire formée par Ryadh pour lutter contre les Houtis soutenus par l'ennemi iranien. Mais les Saoudiens ont eu à constater que la contribution militaire égyptienne a été restreinte à son aspect symbolique de solidarité et que Le Caire n'a pas donné suite à sa promesse de mettre des troupes à disposition du royaume pour une intervention au sol nécessaire. Du point de vue saoudien, qui est que celui à qui la monarchie accorde des subsides doit docilement prendre parti pour elle, les positions du Caire sont à l'évidence apparues comme une « trahison » dont le prix est à faire payer et c'est ce que Ryadh a décidé de faire en ordonnant à l'Aramco d'arrêter ses livraisons de produits pétroliers à l'Egypte après son vote au Conseil de sécurité.

L'ombrageux président égyptien qui a démontré qu'il est très sourcilleux s'agissant des pressions cherchant à intimider l'Etat égyptien qu'il dirige ne tardera probablement pas à faire comprendre à la pétromonarchie wahhabite que c'est elle qui a le plus à perdre à accroître les tensions entres les deux pays.

Il faut par conséquent s'attendre à ce que les relations égypto-saoudiennes se tendent et que leur climat s'assombrisse.