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L'Amérique empêtrée dans ses contradictions

par Kharroubi Habib

Pour que l'accord de trêve en Syrie auquel ils sont parvenus entre effectivement en vigueur, soit respecté et permettre ainsi sa prorogation, Russes et Américains ont convenu d'user de leur influence sur les parties belligérantes qu'ils soutiennent respectivement pour qu'elles en acceptent et exécutent les dispositions. Moscou a obtenu du régime syrien l'engagement d'observer la trêve conclue, ce que Washington n'est pas parvenu d'obtenir de la part de la rébellion armée « modérée » qui bénéficie du soutien américain. Cela pour la simple raison qu'en réalité l'existence de cette rébellion dite « modérée » est une mystification qui a été montée pour masquer la vérité qui est que les Etats-Unis soutiennent en fait en Syrie des groupes armés anti-régime qui n'ont rien de modérés car se revendiquant de la même doctrine que celle dont se réclame l'organisation terroriste Daech contre laquelle Washington a suscité une coalition internationale.

De cette mystification les Russes n'en sont nullement dupes d'où leur demande pour qu'il soit clarifié par Washington qui sont à ses yeux les rebelles «modérés» à inclure dans le processus de trêve. Et c'est bien ce qui embarrasse les Américains car à force d'avoir fermé les yeux sur le noyautage devenu inextricable de la prétendue rébellion «modérée» par les groupes armés djihado-islamistes, ils n'ont plus dans le camp anti-régime que ces derniers sur lesquels compter pour réaliser leur but de guerre en Syrie: la chute de Bachar El Assad et de son régime. D'où leur refus d'un engagement clair à coopérer avec la Russie contre le Front El Nosra qu'ils classent pourtant parmi les organisations terroristes exclues du champ d'application de l'accord de cessez-le-feu. Cela même en sachant parfaitement que c'est ce Front El Nosra qui pour s'être inféodé la prétendue rébellion «modérée» lui dicte sa conduite et ses positions dans le conflit qui se résument à rejeter toute trêve avec le régime et ses alliés.

Il apparaît pourtant que John Kerry aurait fait quelques concessions en matière de coopération russo-américaine contre le Front El Nosra et les groupes rebelles s'étant ouvertement alliés à lui, dont la Maison Blanche et le Pentagone craignent qu'elles vont occasionner de sérieuses complications dans les rapports de l'Amérique avec ses alliés régionaux, l'Arabie saoudite en premier lieu. D'où le refus qu'opposent les Etats-Unis à la divulgation du contenu de l'accord Kerry-Lavrov. Les Russes respectent momentanément l'exigence américaine d'autant qu'elle jette la suspicion sur les intentions de Washington qui sont derrière son acceptation de l'accord de cessez-le-feu et qu'elle fait apparaître l'Amérique non pas comme un acteur clef dans le conflit syrien mais comme étant à la remorque d'intervenants pour qui dans ce conflit, la fin justifiant les moyens, El Nosra et les autres organisations terroristes qui combattent le régime sont à préserver et à soutenir quoi qu'il en couterait pour le peuple de Syrie.

Ce qui est certain, c'est que la mystification de l'existence d'une rébellion syrienne justifiant les ingérences de l'Amérique et de ses alliés régionaux a volé en éclats dès lors que Washington qui en a été le promoteur en a perdu le contrôle et l'instrumentalisation. Ses forces spéciales censées encadrer cette rébellion en font l'amère et déroutante constatation sur le terrain en s'apercevant que ceux avec qui ils « coopèrent » ne se distinguent en rien des adeptes de Daech en guerre contre leur pays.